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PRECARITE | ||
première Partie : remarques personnelles sur l'inclusion des exclus dans le secteur Psychiatre à Lyon au début des années quatre-vingt, je soignais "Pépin" qui bénéficiait d'un traitement neuroleptique-retard, de consultations le samedi matin, d'un travail en milieu protégé, d'un logement en foyer. Prise en charge standard d'un malade , en ambulatoire, et aussi en hospitalisation lors d'une crise maniaque où il m'éprouva, ainsi que l'équipe infirmière. Se révéla une dimension plus tragique de la personnalité de Pépin, cet infatigable réparateur d'appareils électro-ménagers en temps ordinaire devenait alors un homme-machine, toujours à réparer, lui dont le corps avait été rapiécé par les chirurgiens, avec force clous et plaques dans les membres et le bassin après la défénestration inaugurale de sa maladie. Deux ans après que j'avais quitté Lyon pour un poste lointain, à la gare, un soir d'été, un homme me demande l'aumône. Nous nous reconnaissons, aussi émus l'un que l'autre. Il me raconte sa "désintitutionnalisation" individuelle et la déchéance qui s'ensuivit. En le quittant, j'eus le sentiment d'un échec et ai pensé que la psychose-machine l'avait emporté avec la complicité de la machine bureaucratique. Perplexité devant le spectacle de ces nouveaux vagabonds devenant fous, et de ces quelques fous devenant vagabonds, comme Pépin à qui je ne donnai pas la pièce qu'il ne me demanda pas après notre conversation et une poignée de main. Peu après cette rencontre, j'ai lu que le dispositif de la sectorisation serait au point quand la majorité de la population ne serait plus attachée à son domicile, devenue nomade par raison professionnelle, du fait de la crise économique, ou encore devenue sans domicile fixe. Le secteur serait ainsi achevé par la disparition de son pilier fondateur, le domicile du patient. Nous y sommes, même si mon regard n'est pas celui de l'historien mais celui d'un praticien, qui a déménagé plusieurs fois. De nos jours, les psychiatres, qui ne font rien comme tout le monde, sont devenus des sédentaires, obtenant leur promotion localement, ce qui ne les empêche heureusement pas de prendre le train et d'arpenter des salles de pas perdus. L. Bonnafé un des promoteurs du "secteur" indiquait dans les années soixante, que le service public de psychiatrie sectorisé devrait recevoir au mois 25% de hors secteurs, dans le libre choix ; sinon il n'était plus qu'une entreprise technocratique. Les opposants au "secteur", mettaient en garde contre le maillage de la société par un dispositif de contrôle social. On constate, soulagé, que faute de moyens, le "flicage" n'a pas eu lieu. On ne se félicite pas en revanche que ce même manque de moyens n'ait pas permis, à quelques exceptions, de suivre le conseil de Bonnafé, et le reproche de non respect du libre choix par le service public de psychiatrie est justifié, ce dont aucun psychothérapeute ne saurait s'accommoder. Le primat de l'économique sur le politique a d'une part déstabilisé les gens actifs en enrayant l'ascenseur social, en rendant travail et logement plus précaires ; d'autre part, il a conduit à une réduction de l'offre de soins. La stratégie du flux tendu, importée du monde industriel, aboutit à une précarité dans les lieux de soins, alors que leur premier but est plutôt de rendre au patient le sentiment de sécurité qu'il avait perdu. On nous propose de développer les liens plutôt que les lieux.. Belle formule, qui a un mérite, celui de justifier l'abandon de certains patients sous le couvert de l'allégeance au culte de la communication dont le "Réseau" est le dernier cri. L'homme moderne est donc convié à circuler sans cesse, soit comme touriste pendant ses vacances, soit dans son travail où "qui n'avance pas recule", soit comme S.D.F. s'il ne s'adapte pas, soit aussi comme malade, car il ne faudrait surtout pas le laisser tomber dans l'inhibition. Au besoin, Dopamine ou équivalent chimique réveillera ce chronique endormi. Plus d'asile, mais des exils successifs et banalisés, niant une dimension première de l'être humain, l'attachement à l'objet primaire ; il est vrai que cela fait un peu animal ! Entre rechutes et déménagements, liés parfois par une certaine causalité, des patients errent d'un service d'urgence à un foyer, passant par les hôpitaux psychiatriques qui participent finalement à ce jeu de Mistigri où le gagnant est celui qui se défausse le plus vite, juste le temps de remplir une fiche, trace indispensable de l'action effectuée. Ainsi les admissions se font un peu n'importe où dans l'hôpital, là où il y a encore une place, en attendant qu'un lit se libère dans le service de référence. A ce jeu, les SansDomicileFixe sont les plus mal lotis, les plus gênants, parce qu'ils nous montrent crûment et sur la voie publique le rejet dont ils sont objets. Démonstration non dénuée d'agressivité, de complaisance et de provocation, par laquelle nous est adressée une demande massive, muette, à laquelle il est souvent impossible au psychiatre de répondre. Est-ce au psychiatre de soulager la misère du monde ? Ne doit-il pas plutôt rester un veilleur, et un éveilleur de conscience, dont le devoir est de répondre à côté, juste à côté pour être entendu. S'il décide de répondre à la demande, qui choisir ? Car il est sûr que toute situation d'exclusion sociale majeure provoque de tels troubles psychiques qu'ils méritent traitement. En se rendant sur la scène, éminemment publique et médiatisée de la souffrance sociale, à la manière des organismes humanitaires qui interviennent dans les catastrophes, le psychiatre ne court-t-il pas le risque de se substituer au milieu, aussi défaillant soit-il ? Et comment ce milieu évoluera favorablement, en adoucissant ses murs, si de bons spécialistes l'exonèrent de cette prise de conscience douloureuse ? Nous avons connu une situation analogue , quand nous étions appelé en médecine dans un hôpital général pour annoncer un diagnostic péjoratif à un patient inconnu de nous. Le refus pourtant motivé du spécialiste en relations humaines et en paroles ne plaisait pas. Intervenir dans une situation déterminée par un "malheur ordinaire" dans laquelle suffit une attitude humaine, mais n'est aucunement requise une compétence professionnelle aurait été déplacé. H. Arendt, à laquelle on recourt beaucoup de nos jours, alors même qu'elle ne traita jamais de psychologie, rappelle que intérêt vient étymologiquement de inter-esse ; elle attire ainsi notre attention sur cette phénoménologie de l'intermédiaire, de l'entre deux, des conditions de la rencontre intersubjective, base implicite de la relation. Dans la mesure où il n'existe qu'une seule espèce humaine, il convient d'être prudent avantde développer des théories et des concepts spécifiés par des comportements sociaux ; alors plus encore pour des stratégies ou des équipes spécialisées. Une telle nosographie pour ces prétendues nouvelles pathologies risque fort de fonctionner comme un enclos, et pas comme un repère. Enclos pour les professionnels, mais c'est moindre mal, à moins que le spécialiste n'en fasse une passion ; on peut envisager qu'il aura d'autres voies libidinales. Enclos pour les exclus qui se trouveraient épinglés dans le registre du comportement, sans recul et détours par le psychique et ses embarras. La nosologie a surtout pour utilité de dégager une potentialité thérapeutique et évolutive, avec un degré d'incertitude encore élevé. Si autrefois, la neuro-psychiatrie c'était beaucoup de diagnostic et peu de traitement, la psychiatrie aujourd'hui, c'est peu de diagnostic et beaucoup de traitements. Il semble hélas que l'on revienne à la neuro-psychiatrie. deuxième partie : Précarité & exclusion, des repères communs Définition Précarité , ce mot mérite une définition : précaire, qui vient du latin precarius, désigne ce qui est incertain inconstant, instable et qui peut être obtenu par la prière. Celui qui est dans une situation précaire est en prière, en demande envers son dieu. Signification lourde pour qui prétend aider les gens en état de précarité, lourde que de s'identifier à un dieu ou d'être identifié à lui par autrui. Et quelquefois, on se demande s'il n'existe pas une tendance mystique chez qui fait la charité. Je n'irai pas jusqu'à la psychopathologie, mais nous savons qu'il n'y a pas de frontière entre le normal et le pathologique. La parenté avec l'imprécateur, celui qui demande avec insistance, montre que l'agressivité est proche. Introduction Me présentant comme un psychiatre généraliste plutôt porté sur la psychogenèse, la définition d'une pathologie liée à un état social me gêne. J'ai d'abord voulu contourner le problème, et même le prendre à l'envers. Pour cela, je suis allé consulter ce que la psychiatrie dit de la psychopathologie du travail. Détour instructif parce que l'on y trouve le même embarras que celui que l'on trouve dans les textes traitant de la pauvreté, de l'exclusion et de leurs conséquences psychiques. De façon symétrique, si le travail rend malade, l'absence de travail aussi. Cette appréciation est contredite par d'autres auteurs, pour lesquels le travail ou l'inaction forcée n'est pas pathogène. En fait la majorité des psychiatres ne s'y intéresse pas et considère que ce thème du rapport au travail est hors champ pour la psychiatrie. La relation des psychiatres avec le monde du travail est plutôt une absence de relation. Néanmoins la psychiatrie publique a des racines dans le politique et le social et les références marxistes nous sont connues. Nous sommes encore attachés donc à la conception d'un Homme bio-psycho-social que nous essayons de traiter selon ses dimensions diverses, quoi que nous en disions. Souvenons-nous du rapport sur la psychopathologie des téléphonistes et des mécanographes par BEGOIN dans les années 50. Souvenons-nous aussi de l'ergothérapie et du développement des ateliers dans les hôpitaux psychiatriques par SIVADON et LE GUILLANT Et le thème des entreprises d'insertion ne fait-il pas partie de notre programme de cette année ? Les psychiatres tiennent le même discours quand ils parlent de l'aliénation par le travail et de l'aliénation par l'inaction forcée : L'organisation du travail sécrète des catégories, les classes laborieuses, dans le langage marxiste, qui découpe la société et érige des frontières entre les classes ; d'où la lutte des classes. Celui qui appartient à telle classe n'appartient pas à une autre et en est exclue. Celui qui ne travaille pas est hors norme. Freud parle du travail. On sait qu'il travaillait beaucoup, encore qu'il s'accordait de généreuses vacances, comme les enseignants d'aujourd'hui. Pour lui, "être en bonne santé, c'était pouvoir aimer et travailler". D'autre part il parle du travail psychique, pratiquement à la manière du physicien : déplacement, refoulement, condensation sont des mécanismes du travail du rêve. La sublimation, terme de physique aussi a partie liée avec le travail, puisque c'est une transformation de la pulsion qui nécessite un certain travail psychique et donne aux pulsions un destin différent, notamment dans le monde social. Nous retrouvons là une fonction du travail comme lien social, lien de fraternité dans la société, autre que la sexualité ou la violence. La précarité Michel Gillet a fait un exposé à Lyon en octobre 97, lors de journées consacrées à la souffrance psychique dans le contexte social de l'exclusion. Il m'a inspiré pour ce paragraphe, et bien d'autres choses L'antonyme de la précarité serait la sécurité : sécurité de l'emploi, sécurité d'une place, sentiment d'une identité suffisamment sure, dans le monde. Qui peut aujourd'hui en être si sûr ? Cette sécurité a-t-elle jamais existé, n'est-elle pas plutôt la nostalgie du sein maternel et l'idéal que tout humain recherche. C'est par exemple le Rosenbud, dont le souvenir revient à Citizen Kane au moment de mourir, le traîneau qu'il laissa en quittant ses parents pour partir faire ses études , travailler (!) et mener sa carrière - angoisse de séparation et ambition démesurée à visée réparatrice. Nous ne ferons pas l'échelle graduée entre exclusion et sécurité. Le psychisme s'accorde mal du point de vue quantitatif. Il est plus fécond de faire des liens associatifs. En même temps que croissent le sentiment de précarité et les phénomènes de ghettos sociaux, croît la violence. Dans ces mêmes lieux ; les banlieues, la valeur du travail s'est effondrée. On ne travaille plus, on trafique, on casse. M Gillet fait l'hypothèse que les pulsions libidinales et agressives ne trouvant plus satisfaction dans le travail, elles restent déliées et provoquent les conduites violentes. J'ajouterai que certains tableaux cliniques d'adolescents "hypervirils" plaident en faveur de cette fixation pulsionnelle dans un registre primaire, donc non symbolisé et pseudo-génital alors que surtout narcissique. D'où les passages à l'acte. Ainsi la précarité génère la violence et les intégrismes, repli identitaire et narcissique dont on constate les progrès. Comment répondre ? Par les services publics, toujours en retard dit-on, et par des bénévoles, toujours plus prompts paraît-il, une aide individuelle et collective s'organise. Et ces acteurs sont également attaqués par les bénéficiaires qui se révoltent contre leurs bienfaiteurs. Certains médecins généralistes à Vénissieux ont été dévalisés ; les services des urgences qui sont en première ligne dans le système sanitaire sont agressés ; le CMP de Vaulx-en-Velin fut incendié. N'est-ce pas parce que les habitants perçoivent que notre sollicitude est le retournement en son contraire de notre agressivité. Notre vocation de soignant naquit du retournement en son contraire de notre sadisme infantile culpabilisant. Ce masochisme tempéré serait une solution. Ceux qui s'étonnent parce que nous continuons de travailler dans des endroits si peu attrayants, avec des gens si peu reconnaissants, pour des salaires à peine normaux et inférieurs à ceux auxquels nous pourrions prétendre après de telles études et nous traitent gentiment de "maso" ne s'y trompent pas. Mais c'est comme ça. Des gens comme ça, il en faut, parce que sinon, le pire survient. Nathalie Zaltzman écrit dans son dernier livre que le psychisme de l'homme lui fait souvent choisir le pire. Elle prête à la psychanalyse la capacité de résistance à cette politique du pire. La _A est selon elle un travail de culture, une uvre de sublimation qui permet la transformation des pulsions au niveau individuel. Elle articule la problématique individuelle à la culture et ne limite pas la _A au champ de l'intime. Les équipes de secteur psychiatrique, sensibles à cette problématique, peuvent faire évoluer le terrain social (cf. rapport LAZARUS). Sinon, on en arrive à la dynamique de l'exclusion. L'exclusion Nous développerons le syndrome d'exclusion décrit par J. Maisondieu lors de cette même journée d'études citée plus haut. Comme dans le monde du travail, on retrouve le même raisonnement pour les sans travail, qui sont progressivement marginalisés puis sont exclus par la société. Franchissant un pas de plus, certains considèrent certaines catégories de travailleurs comme des sous-hommes, voire des non humains, et cela conduit à l'idéologie de la colonisation, et au développement de l'esclavage. Pour les "sans", c'est au bout du parcours la fin de droit, la perte du domicile, la clochardisation, l'exclusion non seulement de la société mais encore de l'humanité. Les nouveaux pauvres découverts à la fin des années 70 ont été ensuite appelés les "exclus". Si les psychiatres peuvent revendiquer n'avoir pas à traiter la pauvreté, ils n'ont pas la même histoire avec les exclus, ayant pratiqué celle-ci dans l'hôpital esquirolien, l'ayant combattu par la politique de secteur ; C'est l'histoire de l'aliénisme et du désaliénisme. Si les malades mentaux sont souvent pauvres, ils ne viennent pas nous voir pour ça mais pour leur maladie. E si les situations de pauvreté, d'exclusion et de maladie sont articulées, il convient cependant de ne pas les confondre. Même si aujourd'hui, les exclus on nous les envoie pour les soigner ! D'ailleurs la psychiatrie considérant le fou comme un autre homme a été et reste incluante dans l'humanité et excluante de la société. Souvent les malades mentaux, comme les pauvres qu'ils sont aussi, sont des citoyens de seconde zone et disqualifiés. L'exclusion est donc un processus qui signe le refus identificatoire. En ne percevant l'autre que par sa seule différence, on le nie comme semblable à défaut de pouvoir le tuer réellement. La nouvelle catégorie sociale des exclus est le dernier avatar d'un processus d'exclusion toujours actif, voisin du racisme. De plus, une démocratie moderne qui affiche la fraternité comme devise, crée pour cette population un paradoxe logique. Vivre une telle situation d'exclusion sociale a des conséquences psychiques : n'être plus un objet de désir, n'avoir plus de place, n'être plus reconnu, devenir objet de rejet et de mépris, puis ne plus même être vu fait que le sujet ne se reconnaît plus comme sujet et produit un syndrome constitué d'un trépied : honte, désespoir, inhibition affective et cognitive. La honte est le signe central : cette honte de ne pas être comme tout le monde produit un mépris de soi qui redouble les marques de mépris de l'entourage. L'alcool soulage partiellement cet affect. La désespérance, qui n'est pas la dépression conduit aussi aux conduites addictives et culmine dans le désespoir qui mène au suicide. L'inhibition est un mécanisme de défense qui vise l'exclu à se protéger des affects de honte et de désespoir, mais aussi de la réalité : surtout ne pas penser semble être le mot d'ordre, tellement la pensée ferait surgir la conscience douloureuse. Affects, émotion et temporalité sont annihilées par cette inhibition. Si elle ne suffit pas les drogues et l'alcool achèvent l'anesthésie et le déni de soi. L'ensemble du syndrome s'auto entretient jusqu'à la mort Maisondieu propose que la psychiatrie se charge de ces sujets qui ne connaîtront pas de guérison spontanée. Une prise en charge en institution, en groupe semble nécessaire. On se demande si cela passe par le service de psychiatrie ou si des formules intermédiaires ne sont pas également possibles. Le syndrome d'exclusion décrit par Maisondieu évoque le vécu des torturés et des déportés dans les camps de concentration nazi. Nous savons qu'il faut manier ces analogies avec précaution. Pour autant les effets subjectifs paraissent semblables, et notamment l'abandon défensif de soi par le sujet qui doit apprendre s'il veut survivre à fonctionner en dehors de ses repères antérieurs, comme s'il n'était plus un homme. Si la survie se paye au prix de la perte de l'appartenance à l'espèce humaine, il est à craindre que le retour à l'humanité ne soit possible qu'en mourrant. A Ferrant, fait cette hypothèse pour expliquer le suicide de Primo Lévi. Les dernières questions abordées dans cet exposé ne parlent pas que de mort ; elles traitent plus de l'appartenance à l'humanité, question sociale pour les exclus, question morale et politique pour les victimes des génocides, question de tous les jours en psychiatrie quand on fréquente les psychotiques, nos frères, comme tous les autres. Voyons dans un dernier chapitre ce que nous avons en commun. troisième partie Après une première partie descriptive, voire anecdotique, et une deuxième partie plus clinique au sens psychiatrique du terme, il me paraît indispensable de compléter cet exposé par des hypothèses personnelles. Je souhaiterai aller un peu plus loin que la relation entre violence et précarité inspirée par une note de Freud dans "le malaise dans la culture" et plus loin que la description psychiatrique du syndrome de l'exclusion faite par Maisondieu. Si selon moi il n'existe pas de psychopathologie de la précarité, c'est qu'elle se confond avec la psychopathologie de la relation d'objet, le travail étant l'objet considéré. Cette psychopathologie dépend donc de la relation préexistante du sujet avec l'objet travail. D'où le détour utile par la psychopathologie du travail, par l'aliénation au travail. Rappelons au passage que le désir d'autoaliénation du sujet doit toujours être considéré dans la problématique de l'aliénation, ainsi que nous le montre par exemple l'étude des phénomènes sectaires, ainsi que le montre notre assiduité au travail, à des degrés divers Destins de l'objet travail (W = abréviation de travail dans la suite du texte) L'objet W a tendance à être un objet narcissique, objet valorisant pour l'estime de soi. Mais il n'est pas que cela. Il véhicule des identifications, par des transferts intergénérationnels, d'où l'importance de la dynamique de la filiation professionnelle. (cf les aléas des dynasties) C'est aussi un objet libidinal, tant par les décharges motrices qu'il favorise, que par la dimension de sublimation (la part créative du travail), que par les relations affectives, hétéro et homosexuelles. Le W fabrique du lien social plus ou moins sexualisé. (cf le harcèlement!) Menaces de perte de l'objet W Elle n'a rien de spécifique, et l'effet dépend de l'investissement préalable selon nous, et de la place de l'objet W parmi les autres. L'événement chômage est ainsi comme le reste diurne qui sert de support au rêve, associé par le travail du rêve avec les fantasmes infantiles inconscients. Il y a un effet de rencontre entre l'actuel et le passé infantile. Effet de rencontre que nous comparons volontiers aussi à l'irruption d'une bouffée délirante, où à la toxicomanie qui font écho à des éprouvés infantiles non symbolisés. La crainte de l'effondrement rappelle que cet effondrement s'est déjà produit selon Winnicott. Dans le Syndrome d'exclusion M'inspirant du texte de F Perrier intitulé Thanatol, je ferai là l'hypothèse que l'exclu opère un " déni de soi-même à soi-même ". Il est proche du mélancolique, mais se défend de la mélancolie par le déni de soi-même. Il fait ainsi l'économie du travail psychique que réclame la mélancolie, cette " reconduction indéfinie du processus de la perte " comme l'écrit N Zaltzman. Si cesse ce déni, le risque de mort s'accentue. On trouve une parenté avec la problématique de l'alcoolisme. On donnerai aussi sens au suicide de Primo Levi peut-être.
Bibliographie Actes du colloque de l'ORSPERE "Souffrance psychique, contexte
social et exclusion" octobre 1997 à Lyon |
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