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MALADE,
DELINQUANT, MINEUR... |
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En janvier 2002, nous avons accueilli Kevin, âgé de
17 ans et demi, en Hospitalisation d'Office, pour des troubles du comportement
auto et hétéroagressifs : il s'est lacéré
les avant-bras avec du verre puis il a mis le feu à sa chambre,
au foyer. Il réside dans ce foyer depuis un mois, sur ordonnance
du Juge aux Affaires Familiales.
Les difficultés dans la prise en charge de ces adolescents sont d'ordre clinique et institutionnel, avec une intrication complexe de ces deux aspects. Les services de psychiatrie générale sont amenés à accueillir des adolescents de la tranche 16-18 ans, le plus souvent dans un contexte d'urgence. Ces patients peuvent être adressés dans le cadre de :
Ces patients qui arrivent dans les unités sont de plus en plus jeunes, avec une symptomatologie qui cède tardivement, et gardent souvent des troubles de l'adaptation à la réalité après que les symptômes les plus marqués se soient atténués. Sont accueillis également des patients présentant des troubles du comportement liés à des débuts d'organisation psychopathique chez les adolescents ayant souffert de carences affectives et éducatives, le plus souvent placés en institution. L'idée du soin ne serait pas de supprimer le symptôme mais de le comprendre avec le patient, au sein de l'institution et d'élucider avec lui quelle souffrance est cachée derrière le comportement apparent. Un soutien relationnel bienveillant, une institution "maternante", contenante et suffisamment bonne devrait permettre le soulagement de la souffrance. D'autre part, il faudrait trouver une attitude entre cette compréhension et la nécessité de fixer des limites au comportement dans un groupe social, le rappel au règlement et à la loi, dans un pôle "paternel". Une présence importante de l'équipe semble indispensable pour étayer ces patients, ainsi que des réunions d'équipe très régulières, permettant d'élaborer autour des conflits qui éclatent entre les soignants à propos du comportement de l'adolescent. En effet, le vécu des soignants est souvent très différent d'un soignant à l'autre et on peut comprendre que ces conflits externes réels, soient la projection à l'extérieur des conflits internes vécus par l'adolescent. L'hospitalisation dans un service de psychiatrie crée une séparation physique d'avec les parents, qui permet avec l'équipe soignante de recréer un espace psychique pour l'adolescent, nécessaire à la constitution de son identité. Cependant un travail en lien avec la famille est indispensable. Plus largement, outre ces temps cliniques, le projet de soins d'un patient adolescent passe par une réflexion d'ensemble de l'équipe soignante pour un projet institutionnel et pour une réflexion concernant le projet individuel, personnel de chaque patient. Des réunions rassemblant les équipes de soin, les enseignants, les équipes des institutions d'accueil et les familles doivent être organisées pour mise en commun. Le plus rapidement possible, une issue doit être prévue à la sortie du service. Pour Kevin, la problématique institutionnelle a été immédiatement présente et a pu emboliser le travail clinique, à plusieurs niveaux : Le symptôme qu'il a manifesté a été un geste auto et hétéro agressif. La réponse de l'institution a été celle qui est habituellement apportée aux patients adultes agressifs : d'abord, l'Hospitalisation d'Office, puis l'appel de renfort, la chambre d'isolement, les sangles, que d'ailleurs, il a appris à défaire... Sorti de la chambre d'isolement, il a été accueilli dans une unité où il y avait 24 autres patients dont la moyenne d'âge était de 30 ans environ. L'équipe de soins ne pouvait pas lui garantir la présence soutenante, éducative et limitante dont il pouvait avoir besoin, faute d'effectif, tout d'abord. En effet, dans un service pour adultes, l'effectif infirmier est de 10 pour environ 25 patients, quand ce n'est pas 27 ou 30...Dans les unités pour adolescents, les effectifs infirmiers sont bien plus importants et une présence rapprochée est assurée. D'autre part, dans un service pour adultes, la réponse de l'équipe n'est pas spécifique : celle-ci n'a pas de formation adéquate et "navigue dans le flou". Les mouvements transférentiels sont forts, on peut avoir pour l'adolescent une attention particulière et une forte empathie, lui conférant un statut "à part". On n'a pas la disponibilité pour les temps d'échange clinique et les conflits et/ou clivages produits par Kevin n'ont pas pu être élaborés. Le résultat a été pour lui un échec cuisant dans la prise en charge, une forte déception de l'équipe face à ses actes délictueux amenant un rejet et des tentatives de relais intempestifs...comme le foyer, au départ. Dans l'unité, le contact avec les autres patients, s'il permet parfois une dynamique de groupe étayante pour le patient, peut aussi être effrayant : quel processus identificatoire pour l'adolescent confronté à la "folie" ou à la "loi du plus fort" ? En effet, dans le contexte institutionnel et social actuel s'est largement développé un réseau de "dealers" de drogues en tout genre. Kevin s'est totalement intégré à ce réseau, marqué déjà dans son histoire par les conduites toxicomaniaques de son père. A tous ces dysfonctionnements, il faut rajouter des éléments institutionnels plus larges : Kevin a été victime du bras de fer opposant les services socio-judiciaires et la psychiatrie. Trop fou pour le foyer où il avait été placé par la Justice, il en a été renvoyé et confié à la psychiatrie. Trop délinquant aux yeux de la psychiatrie, il ne relevait plus de l'unité de soins qui a cherché à le confier à sa famille. Trop délinquant pour la famille qui n'a pas voulu le recevoir. Et mineur, ne pouvant être mis à la rue...Kevin est resté à l'hôpital, faute d'hébergement avec encadrement socio-éducatif et il est devenu un des piliers du "deal" hospitalier ...
BIBLIOGRAPHIE -GIRET.G., BENCHETRIT.B., Nécessité d'hospitalisation
dans un service de psychiatrie pour permettre une séparation et
la constitution de leur identité chez certains adolescents, -BIZOUARD.P.,NEZELOF.S., VANDEL.P., L'hospitalisation des adolescents
en psychiatrie : une expérience de collaboration entre équipes
de soins d'adultes et d'enfants. -RAYNAUD.J-P., MORON. P., Prise en charge spécifique des urgences
chez l'adolescent. -PUIG-VERGES.N., SCHWETZER. M-G., Raptus hétéro-agressif
et adolescents : urgence psychiatrique ou urgence psychosociale ?
-EPELBAUM. C., JEROME. E., FERRARI.P, Préoccupant périple
d'un adolescent en danger. Nécessité de structures d'accueil
psychiatrique en urgence pour adolescents.
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