- Compte-rendus
PRISE EN CHARGE DES ADOLESCENTS EN SERVICE DE PSYCHIATRIE ADULTE

[Dr. Jean-Paul BOYER— Mr Guillaume DUYCK, IDE— Dr.Nigar RIBAULT]

1) J. P. BOYER (Draguignan) :

L'adolescent est dans la répétition des crises, cela est rapporté à sa propre histoire.
Il en ressort deux idées principales :

  • la prise en charge des adolescents en milieu adulte est somme toute assez rare et marquante. Elle nous amène à établir des protocoles et des conduites à tenir.
  • on est en présence de choses nouvelles, de nouvelles cliniques, de symptomatologies apparaissant autour des prises de toxiques (ndlr : sujet d'une prochaine session).

A partir des chiffres de l'hospitalisation des adolescents "Etats des lieux et perspectives (1998)" : on note qu'il y a relativement peu d'hospitalisations aux urgences pour problèmes d'emblée psychiatriques, uniquement 10% des TS seront hospitalisées, avec seulement 10% en service de psychiatrie, pour 40% en pédiatrie et 50% en service de spécialités, et relativement peu (5%) sont étiquetées "problème psychiatrique".

La définition de l'adolescence est difficile, mais on a quelques repères. Celle du dictionnaire qui consiste en "l'âge compris entre la puberté et l'âge adulte". Des changements initient la problématique en direction de son corps, l'adolescent est obligé de s'adapter et n'a pas le choix, il sort de la dépendance infantile. Cette adaptation l'angoisse énormément et le retour en arrière lui est insupportable.

L'évolution de l'adolescent se fait dans un groupe, avec tous les rejets qui peuvent en découler. Il est donc important de repérer les cadres permettant la symbolisation.

L'adolescent a du mal à se positionner dans la dynamique de la dualité autonomie/dépendance. La période d'adolescence étant de plus en plus longue, il a du mal à obtenir cette indépendance.

Les principaux éléments de la prise en charge sont : une équipe soudée avec disponibilité, tolérance sans complaisance, une pluridisciplinarité avec des temps de synthèse. Il faut trouver le juste équilibre maternage/autonomie. L'adolescent est dans l'agir, il faut s'appuyer sur un cadre (des interdits), on doit passer par un règlement intérieur qui permet la symbolisation.

Le texte est étayé par 3 vignettes cliniques.

En guise de conclusion de l'exposé, on peut dire que le cannabis, l'ecstasy ou autres toxiques modifient les présentations, ce sont des filtres par rapport à la réalité, on note de plus en plus d'états bizarres avec troubles du comportement, ne rendant que plus difficile la prise en charge.

2) G. DUYCK, N. RIBAULT (Lyon) :

La deuxième présentation tourne autour du cas de Kevin, pour lequel la famille en difficulté a baissé les bras, et le foyer, ayant pourtant l'autorité s'est déssaisi, le trouvant "trop fou". L'institution "maternante", contenante et suffisamment bonne devrait permettre le soulagement de la souffrance grâce à un soutien relationnel bienveillant, le rappel à la loi et au règlement permettant le pôle paternel. Ces adolescents nécessitent une présence et un travail institutionnel important afin d'élaborer autour des conflits générés par leur comportement;
Le parcours de Steve s'inscrit sur le mode psychopathique avec la prévision d'un parcours institutionnel important.


DISCUSSION

MB : On a une ambiguïté dans la définition et la position de la pédopsychiatrie, le discours "nous nous occupons des adolescents!" n'est pas toujours mis en pratique dans les actes. Nous nous retrouvons avec des adolescents en service adulte et souvent personne pour exercer l'autorité parentale (pas même les parents).

MB : Ce qui nous met en difficulté c'est l'autre cadre qui lui est propre (la rue avec les identifications).
Ils sont agités intérieurement et extérieurement (foyer, famille, nous) et parfois ça s'emballe, faute de solutions.

DC : Parfois le dialogue est impossible, une mise à laporte mobilise les interlocuteurs. Nous sommes confrontés aux risques que font courir les adolescents aux patients (racket, abus sexuels) mieux vaut alors ne pas laisser perdurer ces situations et les mettre dehors.
Il n'y a malheureusement pas actuellement de réelle volonté politique pour r égler ces problèmes.

XD : Il y a le risque de l'installation en service adulte, avec trop de bénéfices secondaires, d'où l'intérêt d'avoir un bon réseau de familles d'accueil.

XX : L'hôpital ressemble parfois trop à la rue, avec le deal et la violence. Les services spécifiques pour les adolescents sont souvent trop sélectifs dans leurs critères de choix, et ne prennent toujours pas ceux qui en ont vraiment besoin.

EJ : Les adolescents sont des corps étrangers dans l'institution. Les services s'impliquant à fond sont souvent soumis à tous les ennuis ou drames, pour exemple, il y a un an à Lyon,un infirmier a été tué par un adolescent qui ne voulait pas être hospitalisé, l'équipe a été marquée et il y a eu une diminution des capacités d'accueil.
D'après le sociologue Erenberg, au couple répression/refoulement a suivi le couple excitation/dépression, et la drogue faisait partie de ce système. Winnicott, lui, mettait à la porte les adolescents trop pénibles.
Si on en revient à la mythologie, on retrouve un groupe d'adolescents. Icare a été victime de la perversion des adultes, Œdipe, lui, a pu s'en sortir (mais à quel prix!), Narcisse, lui, s'ennuie (jeux vidéo!). Il est difficile à accepter que subsiste l'ennui. le rêve de l'adulte est de rester adolescent alors que les adolescents, eux, ils en crèvent. Il ne faut pas tomber dans le piège identificatoire pervers (couleur fluo, baba cool, shit, jeux vidéo), il faut les aider à réinvestir leur corps propre et leur investissement étranger au lieu de l'ennui.

PP : Dans la Moselle, il y a un projet de lycée thérapeutique, il y a des lits à l'hôpital général avec un projet initial pour les anorexiques mais il y a eu progressivement pression pour prendre les adolescents violents et on a donc mis en place un projet de 10 lits pour adolescents difficiles, cela 30 ans après leur fermeture! Les chiffres sont inquiétants : 6 adolescents sur 10 décèdent dans l'année suivant un placement en milieu adulte (source?).

AG : "Le dedans c'est pas bien, le dehors, c'est pas bien non plus". Il y a la nécessité d'un entre-deux, la pensée d'un espace symbolique à la fois dans le lien et la séparation, on est tellement pris dans l'acte qu'on ne pense plus. On a un lieu dans la tête "si tu es là, il y a un ailleurs". On remplace le projet par l'objet, la condition de notre présence c'est aussi l'absence.

EJ : L'attente/latence ça pulse, il y a passage à l'acte. Si ça ne pulse pas (jeux vidéo), il y a agitation intérieure. Il fait de la liaison et de la déliaison, on ne va pas répondre contre-transférentiellement à leur problématique interne, mais on est parfois obligé de reprendre par des actes.

AG : la répétition est inévitable, la mise à la porte fait penser qu'il y a un retour, il y a nécessité de pouvoir mettre un décalage.

PC : L'impuissance des adultes laisse deux possibilités :

  • On arrête la prise en charge en lui disant vous reviendrez.
  • On arrête la prise en charge et il déprime, c'est une alternative à la porte mais il faut en avoir les moyens.

EV : La prise en charge de jeunes immigrés issus de pays comme le Rwanda, la Roumanie, est difficile. le fait qu'ils soient stoppés à Roissy est déjà un traumatisme en plus de ce qu'ils ont subi dans leur pays (fugues, viols, mutilations). Ils ne sont jamais hospitalisés, ils ont besoin d'être sécurisés en famille d'accueil. Ils ont besoin d'affectif, d'identité, d'éducation et il y a peu de possibilité pour faire un travail psychothérapique. L'impuissance, ce n'est pas de l'indifférence.

AG : Selon la gravité, il faut arrêter, il faut aussi les moyens à deux niveaux :

  • la gravité est extrême : on a le cadre des unités spéciales.
  • s'il n'y a pas de caractère de gravité, il faut avoir les moyens intellectuels pour attendre et si l'on arrive à rien, on introduit un décalage d'emblée, il y a une fin et un après. (s'il est dans les jeux vid éo, on parle de trouble de la personnalité).

EJ : On est dans le contre-transfert massif sur l'institution. S.Tomkiewitz s'occupant d'adolescents avait l'habitude de faire la gueule aux adolescents qui faisaient des conneries. ça marchait. On s'occupait moins d'eux, il y avait une certaine indifférence, avec non reprise du passage à l'acte ("c'est pas très malin, bof!") mais cela nécessite une cohésion d'équipe.

PP : Il y a nécessité d'avoir de bonnes liaisons avec les structures extérieures.

JP : Il ne faut pas shunter le temps (l'adolescence ça passe) on ne les apprivoise pas en un quart d'heure. Il faut travailler le transfert longitudinal. Il n'est pas question de diagnostic, il y a du temps devant nous, nous avons un jeune patient depuis 18 mois en HDT dans le service.

AG : On évoque souvent la fin de la jeunesse à 33 ans. D'où l'état de vulcarité (vulnérabilité/précarité) évoqué chez ces jeunes adultes.

En conclusion, leur prise en charge est difficile, ils ne semblent pas trouver et la plupart s'y retrouvent en désespoir de cause. Il est nécessaire d'avoir une bonne cohésion d'équipe et un bon travail en réseau.


 

Henri. DE GROOVE

 
Roquebrune 2003 :  Programme et textes