- Compte-rendus
L’HOSPITALISATION EN PSYCHIATRIE

[Dr. Eric JULLIAND— Dr. Madeleine BERNARD]

 

QUESTIONNEMENT

Dans le cadre de l’instauration du secteur, l’hospitalisation devait rester quelque chose de processuel, avec un commencement (l’indication), le déroulement et la fin.

  • Que reste-t-il aujourd’hui de l’indication, en particulier aux Urgences ?
  • Pourquoi y a-t-il recrudescence des HDT d’urgence ?
  • Quelle place peut-il rester pour l’hospitalisation programmée ?

Si l’on n’arrive plus à poser véritablement les indications, le travail peut-il être fait de façon satisfaisante au décours de l’hospitalisation ? De l’alternative à l’hospitalisation qui fut à l’origine de la mise en place du SECTEUR, on se pose aujourd’hui à l’inverse le problème de défendre l’outil de travail qu’est l’HOSPITALISATION, actuellement en crise.

L’idéologie de la désaliénation porte-t-elle une responsabilité dans la crise actuelle de l’hospitalisation (l’institution) ? Aujourd’hui, on abandonne le concept de maladie (état) pour le concept de trouble (état transitoire).

Comment mettre en place au cours de l’hospitalisation les éléments qui vont favoriser la rencontre du soignant avec l’étrangeté du patient ? La réunion d’équipe peut permettre la circulation de la pensée, non pas au plan seulement sémiologique, mais également au plan de l’expression de la pensée du soignant.

Peut-il y avoir du lien avec la discontinuité dans le fonctionnement actuel des équipes ? Planning, dispersion des tâches, pénurie, … laissent-ils encore aujourd’hui de la place au soin ?

 

OUVERTURE A LA DISCUSSION

Il peut être dangereux de se focaliser dans une position manichéenne pro-hospitalisation, d’autant plus que cette position est battue en brèche par des organisations sectaires (qui se focalisent par exemple sur des abus d’HDT).

Un circuit actuel de la psychiatrie consiste à démentir la véritable présence des grands malades mentaux au sein des établissements psychiatriques, et les voir plutôt au sein des services d’Urgences des hôpitaux généraux. La présence au lit du patient tend ainsi à se raréfier.

L’excès d’HDT d’urgence est aussi une réponse à la pénurie de lits, sorte de bélier pour forcer l’entrée des CHS.

Le repli sur soi pour défendre bec et ongles l’institution d’hospitalisation n’est pas en soi une position satisfaisante. Le Service Public a aussi un rôle social. L’abus ou l’usage abusif de l’HDT d’urgence est un processus qui met le TIERS sur la touche. Même si la première fonction du repli est quand même la défense du soin contre les assauts bureaucrates.

Les Urgences des CHG sont aujourd’hui de grands pourvoyeurs de patients pour les services de psychiatrie, dans un contexte où l’indication n’est pas nécessairement posée (il faut que ça aille le plus vite possible).

Dans la rencontre avec le patient, on garde toujours en tête l’existence, la présence d’un tiers. De plus en plus aujourd’hui, ce tiers prend la forme d’un autre, le regard de la société, le PMSI, la communication du dossier médical.

L’indication du soin échappe d’autant plus aux équipes de soins du fait de la pénurie du nombre de lits. Avec suffisamment de lits, il était possible de maîtriser les flux et reflux de patients. Aujourd’hui, que maîtrisent encore les équipes ? Certaines expériences originales permettent de désengorger les services d’hospitalisations.

La parole reste notre vecteur du soin : il est indispensable de pouvoir à minima défendre cet outil au sein de l’hospitalisation, malgré la tension permanente au sein du lieu de soins.

Pour qu’il y ait actuellement hospitalisation, il faut :
a) indication d’hospitalisation
b) lit disponible
Dispose-t-on encore efficacement de l’un et de l’autre dans le contexte actuel ?


La question de l’accréditation se pose :

  • dépossession des soignants de la mise en pratique du soin telle qu’elle se posait par le passé
  • primauté du formel sur le fond.

Il serait illusoire de penser que l’on peut modifier les choses à travers l’outil qu’est l’accréditation.

Nous sommes victimes également d’une dépossession dans un contexte de mondialisation libérale. S’adapter est une nécessité dans un système que nous considérons malgré tout comme maltraitant. Comment s’adapter ? Il est extrêmement difficile de proposer qu’il n’y ait pas de modèle, par opposition au modèle de l’entreprise qui nous est proposé ou imposé.

La dépossession du praticien passe par ce nouveau TIERS qu’est le droit, l’ouverture du parapluie, le dossier et sa transparence, l’accréditation, les protocoles… même si cela conduit des fois jusqu’à l’extrême limite de la violence vis-à-vis du patient auquel on communique des éléments du dossier.
« L’ECRIT N’OUVRE PLUS, IL FERME » (Eric Julliand)

« CE SONT DES ALCHIMISTES. ILS TRANSFORMENT DE L’OR EN PLOMB » (Joëlle Delorenzi)

Que peut-on transmettre aux générations à venir sur l’héritage de la psychiatrie ? Est-il encore possible d’infléchir les choses pour revenir de la SANTEMENTALOLOGIE ? La formation, notamment sur les bases de la psychiatrie, peut et doit être notre arme.

Le clivage qui s’accentue entre soignants et praticiens représente un enjeu de pouvoir (en cassant le groupe soignant et en instaurant une hiérarchie, entre médecins et infirmiers essentiellement). La double hiérarchie peut permettre la non-accumulation des pouvoirs sur une seule autorité (médecin ou administratif) à ceci près qu’il y a maintenant conflit de pouvoir dans lequel l’administration (l’économie) tend à prendre le dessus.

Les décideurs financiers ont décidé que les médecins n’auraient plus ce choix quant à la manière de traiter (ce qui représente un coût). Des choix économiques ont été faits, par rapport aux patients psychiatriques qui coûtent cher. Le poids de l’économique a également dépossédé le médecin de ses choix ; et malgré tout, des dysfonctionnements dans ces questions de pouvoir occasionnent des coûts colossaux. ALORS L’ECONOMIQUE, EST-CE VRAIMENT LA QUESTION ?

Néanmoins, la rupture au sein du service est une réalité (Médecin chef/ Cadre Supérieur – Médecin/ Cadre infirmier – Infirmier).

Reste-t-il encore de la créativité, en particulier celle que l’on a au contact du malade ?


 

Xavier DESMEDT

 
Roquebrune 2003 :  Programme et textes