Michel BOUDET
La demande de pratiquer les thérapies médiatisées
vient des soignants (qui se sont toujours intéressés aux productions
des malades mentaux) et non des malades. Technique de médiation par
l’art. Les thérapies médiatisées ou psychothérapies
médiatisées sont des termes préférables à Art
th érapie.
C’est à travers la relation psychothérapique que l’art
se met au service du soin. Il s’agit d’une thérapie,
d’une technique de soin. Utilisations de techniques artistiques comme
moyen thérapeutique (comme dans les autres psychothérapies)
la relation patient-psychothérapeute s’organise autour du transfert.
L’art permet de soigner. Il joue un rôle de médiateur,
tout en étant le moyen de la communication.
Ces techniques ne se référent pas au verbe, mais à la
sensorialité.
EXPRESSION – COMMUNICATION – CRÉATION
L’utilisation de l’art permet de renouer la communication.
Toute psychothérapie est en elle-même un processus créatif.
Le psychothérapeute donne au patient les moyens de créer,
tout en étant instantanément vigilant, attentif à contrôler
la relation psychothérapique. Le thérapeute doit maintenir
la bonne distance avec le patient qui dessine, chante ou danse, et qu’il
(le psychothérapeute) regarde ou écoute. L’apport des
techniques peut être aussi un moyen défensif.
Autres notions simples : espace de liberté et plaisir de faire.
L’esthétique n’est pas le but recherché. Ne pas
juger, ne pas interpréter l’œuvre. Ce qui est important,
c’est ce qui se passe pendant sa construction, ce qui est mouvement,
transfert, dans le cadre mis en place.
La définition du cadre (de soin) est fondamentale. Le thérapeute
est le garant de l’espace et de la continuité. L’art
thérapeute doit être capable de se laisser aller émotionnellement,
tout en se contrôlant et de formaliser son contre transfert.
Atelier : vivre et l’exprimer dans un lieu non rationnel.
Lieux consacrés à ces activités. Les séances
ont une durée déterminée.
En institution : l’idéal est une ouverture complète
de l’institution avec libre circulation des soignants et des patients.
R ésistances et conflits seront étudiés en supervision.
HISTORIQUE
De tout temps, intérêt pour les peintures et productions
des malades mentaux, surtout au 19ème « art des fous ».
Début du 20ème siècle : le surréalisme est né dans
la psychiatrie ; André BRETON était médecin à l’Infirmerie
Spéciale du Dépôt. Rapport avec l’art primitif
?
Fin des années 40 : Art Brut – créations artistiques
de personnes obscures, crées de façon spontanée. L’art
brut est coupé de toute influence culturelle.
Jean Dubuffet : séparer art et culture. Ni art, ni création
mais expression. L’art est lié à la culture. L’art
est lié aux symboles.
Les créations spontanées des malades mentaux n’ont rien à voir
avec l’art thérapie.
Tout individu possède une forme de puissance créatrice (différente
du talent) : préhistoire, arts premiers, enfants.
Les œuvres artistiques sont un moyen de communication et d’échange.
1950 : première exposition en France d’art psychopathologique.
Annés 50 : période charnière, début de l’art
thérapie. 1950 premier congrès mondial de psychiatrie à Paris,
exposition d’œuvres de patients. Apparition des neuroleptiques.
Création de la Société Française de Psychopathologie
de l’Expression.
Années 70 : « explosion » de l’art thérapie
sous l’influence des provinciaux : GAYRAL (Toulouse), ROUX (Pau),
VERDEAU – PAILHES (Limoux).
Enseignement spécialisé
Rapports entre l’art thérapie et la psychanalyse : Anna FREUD,
Mélanie KLEIN, WINNICOTT, importance de l’utilisation thérapeutique
du dessin chez l’enfant.
Formation du thérapeute – technique psychothérapique.
Capacité du thérapeute à intégrer la production
du patient à sa propre expérience psychothérapique.
Il est important que les séances de psychothérapies médiatisées
soient prescrites.
Prescription d’un soin de ce type dans le cadre d’un projet
thérapeutique.
Entretiens préalables – prescription – présentation
des techniques et locaux.
Dès lors, tout prend un sens dans la relation psychothérapique
crée : le retard ou l’absence, la difficulté à passer à l’acte
créateur, le comportement devant l’œuvre…. Tout
prend un sens, sauf l’œuvre elle-même, qui reste l’œuvre.
Le travail du thérapeute est la gestion de la relation psychothérapique,
du transfert. Il est le garant du cadre, il est porteur de confiance et
susceptible d’apporter une aide technique. Peu importe le talent des
patients.
Médiation
Verbe latin « médiare » être
au milieu. |
↓ |
médiation |
Différent de média, médiatique, médiatiser – rendre
médiatique.
Ex. : Stéphanie de Monaco est médiatique, médiatisée.
XVI° siècle : « entremise destinée à concilier
des personnes, des partis ».
Notion d’intermédiaire entre patient et soignant.
Le carré ( Docteur GRANIER – Toulouse)
Définition de la médiation :
Entremise destinée à mettre d’accord des personnes, à concilier
ou réconcilier des parties.
Médiare : être au milieu, s’interposer, séparer.
L’accession au langage est la première médiation humaine
: s éparation définitive d’avec la mère.
Indications :
Névroses : déblocage de l’action et de l’expression
Psychoses : facilitent la relation en ne passant pas forcément par
le langage, adaptation au réel.
Etats dépressifs : relance plus rapide de l’appétence à vivre,
stimulent l’imaginaire, favorisent les échanges – Groupe,
Personnes âgées : Stimuler la créativité, permettre
les échanges, rétablir la confiance.
Le regard
Importance du regard. Chacun apporte, chacun participe, y compris celui
qui regarde.
Le regard de l’autre est inclus dans la réalisation de l’œuvre.
Elle est faite pour être vue.
L’échange
Les thérapies médiatisées permettent de renouer les
relations :
- avec soi-même – reprendre confiance en soi, baisse de la défensive,
- avec les autres – transfert avec thérapeute, échanges
avec autres patients, ouverture sociale.
Résistance
« Je ne sais pas dessiner »
« Je ne connais pas la technique »
Le rôle du thérapeute est de vaincre les résistances
du patient et de lui permettre de passer à l’acte.
Difficulté à arrêter, à abandonner l’œuvre.
L’œuvre doit être datée et signée.
L ’activité en groupe permet aussi de baisser les résistances.
L’atelier : Espace libre
Lieu particulier
L’espace :
Importance des rituels de préparation à la mise en acte.
L’atelier est fermé entre les séances la plus part du
temps (mais il est acceptable que les patients y viennent sans le thérapeute).
Le désir de créer n’existe pas spontanément chez
le patient.
Question de la permanence de l’objet.
Le but des thérapies médiatisées est de permettre
la ré-appropriation de la réalité, à partir
de l’imaginaire. C’est-à-dire que dans ce lieu privilégié,
dans une relation privilégiée avec le thérapeute, le
patient va inventer, imaginer un monde qu’il façonnera, maîtrisera
? reprise du contact avec le réel.
Cet espace-temps mis en place prend la valeur d’un contenant (enveloppe
symbolique pour le patient). Le patient peut faire jouer sa créativité donc
baisse des défenses et expression de ses émotions.
Notion de limites : dedans-dehors.
Le patient reprend confiance en lui, fait travailler son imaginaire et
sa créativité.
Rôle du thérapeute pendant la séance
Etre présent, être à côté, apporter une
aide technique si besoin, apporter sécurité affective – fonction
maternante.
Cet espace est un cadre, mais c’est le cadre qui définit la
liberté possible : « espace transitionnel » Winnicott.
Dans cet espace le jeu est possible ? maîtrise de soi et permanence
de l’objet.
Importance des cadres : contenant, limites dedans-dehors, espace jeu.
Le thérapeute doit savoir jouer ou savoir laisser jouer. Il ne peint
pas, ne danse pas, ne chante pas forcément, mais il doit faire sentir
qu’il peut le faire ou qu’il le fait ailleurs – lui aussi
est dans le jeu.
Le thérapeute doit être capable de se laisser aller émotionnellement,
tout en se contrôlant et en formalisant le contre transfert.
Les thérapies médiatisées permettent au patient de
revivre des vécus infantiles en évoluant dans un espace intermédiaire
où il peut exercer sa maîtrise. Permettant, grâce à leur
valeur de contenant, de reconstruire les limites dedans-dehors ; stimulent
la créativité et l’imaginaire, effet anxiolytique par
la confiance en soi regagnée ; améliorent ou restaurent la
relation avec les autres ? restauration narcissique.
La sensorialité
Les thérapies médiatisées permettent aux patients de
regarder, d’écouter, de bouger. Ils se découvrent à travers
le langage des sens. Découvre l’autre de la même façon
et ainsi va s’ouvrir le dialogue.
Dialogue non verbal
Pictural, musical, corporel.
Les thérapies médiatisées agissent à deux niveaux
:
- mode d’expression individuel, faisant suite à une redécouverte
sensorielle de sa propre personne,
- mode de communication, dialogue avec les autres.
Les thérapies médiatisées aident à la connaissance
de soi et permettent le développement de modes d’expression.
Psychanalyse analytique
Toute création « vraie » est sans doute un « insigight »,
le dévoilement d’une vérité intérieure
ou matérielle.
Réparation
Mélanie KLEIN : l’impulsion créatrice est contemporaine
de la phase dépressive. Elle vient du besoin de réparer l’objet
perdu au moment où celui-ci est appréhendé dans sa
totalité et sa permanence.
La notion de réparation de l’objet constitue le fondement de
la conception kleinienne de la fonction créatrice.
Sublimation
Création
Rechercher de la complétude par la maîtrise des mauvais objets
et l’effacement même de la castration.
EN CONCLUSION
L’essentiel je joue dans l’espace créé, qui est
espace de jeu, et qui devient, quand la thérapie est réussie,
espace de liberté.
Expérience maternante (et même pédagogique) → retrouver
l’énergie nécessaire pour vivre de façon satisfaisante.
Pédagogie : au sens de discipline, d’intérêt,
de transmission d’un savoir – même s’il est mince
; le thérapeute fait passer son savoir technique → éviter
les résistances.
Les thérapies médiatisées permettent de réapprendre à jouer
avec le thérapeute.
Ê
tre capable de jouer et de laisser jouer l’autre.
Ne pas se laisser prendre au piège de la technique → résistances.
Il n’est pas nécessaire d’être un bon peintre
pour être Art Thérapeute. Par contre, il faut avoir un regard,
aimer les œuvres d’art, prendre plaisir à jouer avec la
matière, la forme, la couleur.
Notion de plaisir
Si le patient, sous le regard « dévié » du thérapeute,
reprend confiance en sa propre valeur, ses propres capacités, il
va se mettre à faire et à prendre plaisir. Renouer avec les
autres, exprimer ses propres émotions (ce qui ne va pas toujours
de soi dans notre société).
Pour les patients, aller à la découverte d’eux-mêmes,
prendre plaisir, renouer avec l’autre, dans un monde qu’ils
ont recrée et dans lequel ils se sont fait une place, leur place.
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J’ai utilisé, pour rédiger ce texte, les documents
suivants :
- Cours du DU de Psychothérapies Médiatisées. Faculté de
Médecine de Toulouse 1993-1994.
- Annie BOYER-LABROUCHE : « Manuel d’Art Thérapie ».
DUNOD Editeur.
- CREATIVITE ET PSYCHIATRIE. Confrontations Psychiatriques
N° 34.
Laboratoire THERAPLIX.
- Didier ANZIEU : « Le corps de l’œuvre ». NRF – Editions
Gallimard.
Je n’ai pas décrit les techniques (arts plastiques, musique,
danse, autres moyens…).
Les thérapies médiatisées s’inscrivent dans
le cadre d’un projet global de soins et sont distinctes de l’ergothérapie
et des activités occupationnelles. J’ai demandé aux
ergothérapeutes du service de rédiger un texte (ci-joint)
au sujet de leurs pratiques.
Notre pratique dans le service peut être qualifiée de « Grand
bricolage » : Thérapies Médiatisées, Activités
et Ateliers Thérapeutiques, Ergothérapie, Animations, Activités
occupationnelles… Cela pourra être détaillé dans
la discussion.
D’autres questions pourront également être abordées
: formation des soignants, locaux et moyens financiers, place laissée
aux activités thérapeutiques dans le projet de soins, prescription
ou non des activités thérapeutiques, adhésion des patients
aux activités proposées…
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Dr. Michel BOUDET
Centre Hospitalier Ariège – Couserans
BP 111
09200 SAINT- GIRONS
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