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PRÉSENTATION DE FRANCIS JEANSON | |||
Francis Jeanson porte le titre de Docteur en Sciences Politiques, titre qui lui a été attribué pour l’ensemble de son œuvre. Une présentation complète de l’ensemble de cette œuvre est, vous le comprendrez bien, impossible à faire. Aussi me permettrai-je de me limiter à quelques grands chapitres de ce que je crois être son histoire, histoire qui m’a très profondément marqué à divers points de vue. Francis Jeanson est un philosophe. Directeur de la revue « Les temps modernes », il a été l’un des proches de Sartre. Etre un philosophe existentialiste, c’est affirmer un souci pour « la totalité détotalisée » qu’est l’homme en devoir de totalisation et pour son devenir dans les sociétés humaines, c’est penser comme fondamentale la question de l’engagement authentique et sans « mauvaise foi », c’est revendiquer des valeurs éthiques comme fondatrices et centrales de la vie individuelle ou collective. C’est, en somme, énoncer une exigence morale. Cette morale, sa vision philosophique, s’inscrit dans de nombreux ouvrages éclairant chacun des thèmes qu’il a traités, qui donne à ce philosophe la place d’un écrivain important de notre époque. Permettez-moi de vous conseiller quelques livres : « Montaigne par lui-même », « La foi d’un incroyant », « Lettre aux femmes », « Signification humaine du rire », « Sartre dans sa vie ». Sa pensée philosophique est l’œuvre d’une. La lecture de l’article d’un jeune homme de 25 ans dont j’affirmais qu’il contenait en germe les thèmes encore développés aujourd’hui m’a valu la critique (voire le reproche) amusée : « alors tu dis que je radote ! ». Cet engagement philosophique a conduit Francis Jeanson à devenir un acteur politique à une échelle nationale et internationale. C’est l’époque de mon adolescence où ma vie est très profondément bouleversée par la guerre d’Algérie. Adolescent, je n’arrivais pas à comprendre que l’on se soit libéré du joug nazi pour laisser persister celui que nous imposions aux colonies françaises et à l’Algérie tout particulièrement. Francis Jeanson, c’est l’honneur de la France et des « porteurs de valise ». Je ne peux que vous engager à lire ses ouvrages sur l’Algérie ou ceux des historiens qui ont écrit sur cette période de l’histoire de France ou à regarder (quelle chance si nous pouvions organiser pendant cette session de juin 2005, la projection de ce document) le film qu’il a réalisé d’interview du président algérien Houari Boumedienne. Après la guerre d’Algérie, la fin de la clandestinité, la fin des poursuites policières, la fin des épreuves pour sa femme (Christiane tu es toute proche de nous !) et ses enfants, Francis Jeanson redevient homme public et directeur de la Maison de la Culture de Chalon-sur-Saône. Il met en place une méthode extrêmement originale permettant aux spectateurs de dépasser cette condition de jouisseur passif pour devenir acteur de l’action culturelle. Je vous invite à lire « Action culturelle dans la cité ». La méthode que ce livre propose est bien plus intelligente et ô combien plus utile à la psychiatrie que les concepts dans lesquels nous nous débattons aujourd’hui de partenariat, réseau ou autres dispositifs. C’est une mise en œuvre de ce que peut construire la participation de tous à une culture populaire enrichie de l’action de tous, poussant à l’extrême l’exigence de ce que j’ose qualifier désaliénation sociale et mentale. C’est cela qui le fait entrer dans le monde de la psychiatrie, et permettez-moi ici de citer Jean-Pierre Losson, celui qui, le premier, a su voir, entendre, comprendre. Francis Jeanson s’intéresse à la psychiatrie parce qu’il y a là une situation de souffrance de l’homme insupportable et donc à dénoncer. La loi de 1838, et sa réactivation de 90 ne changeant rien, porte en germe l’enfermement, l’atteinte aux libertés. Que dire en plus de toutes ces techniques réductrices et objectivantes, de l’impératif de gestion prioritairement économique. Quelle chance pour la psychiatrie qu’un homme comme lui intéresse, et respectueux des personnes, entre dans une critique du soin et de ses dimensions incohérentes, absurdes, aliénantes. Lisez « La psychiatrie au tournant » et « Histoire de la psychiatrie » Il sait susciter chez de nombreux soignants en psychiatrie ce retour à la dialectique liant théorie et praxis. Il exaspérera sans doute plus d’un médecin par sa conviction que l’infirmier est « le soignant » de la psychiatrie. Il a sa place dans notre association et je souhaite le remercier, en votre nom à tous j’en suis sûr, d’avoie répondu amicalement et positivement à notre invitation. Son analyse critique de notre discipline va jusqu’à se mêler de la formation. Non pas celle des gestes techniques ou des théories universitaires mais celle de l’exigence morale pour laquelle il ne revendique comme compétence que la capacité de réfléchir. Ce qui m’a, un jour, fait lui dire avec insolence que la spécificité du philosophe est d’être spécialiste en incompétence ! Que Francis Jeanson me permette de dire cela de nouveau, parce que « dans tout homme, il y a tout l’homme », en remerciement de cet immense espoir qu’il nous apporte et de tout ce que nous lui devons, et aujourd’hui de tout ce que je lui dois, avec ô combien d’affection !.
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