- Textes | |||
TRANSMISSION DU SAVOIR INFIRMIER | |||
Le thème de la transmission du savoir infirmier en psychiatrie me préoccupe depuis un certain temps déjà car il est directement lié à mon histoire professionnelle : Je suis infirmière de secteur psychiatrique depuis juin 1993,
c’est à dire au moment même où les premières
promotions d’infirmiers polyvalents commençaient leurs études.
En 1991, j’ai eu la possibilité de changer d’orientation
pour passer un DE mais j’ai confirmé mon choix d’être
ISP. Cela signifiait, entre autres, que je m’engageais à être
porteuse d’une part de l’histoire de ces soignants en psychiatrie, à transmettre
aux générations suivantes cette histoire mais aussi le
savoir et le savoir-faire qui nous sont spécifiques. Je suis persuadée que la transmission tient une place essentielle et constante dans notre métier. Chaque jour, il nous faut apprendre pour comprendre davantage : on est en position de recevoir un certain savoir. Mais aussi, il nous faut constamment nous mettre en position de transmettre ce savoir pour en assurer la pérennité et l’évolution. Aujourd’hui, mon questionnement est le suivant :
Le dictionnaire nous apprend que « transmettre » vient du latin « transmitterre » qui signifie « envoyer de l’autre côté ». C’est l’action de faire passer d’une personne à une autre un bien, une parole, un écrit ou des connaissances. C’est donner quelque chose de soi à un autre. Il y a aussi une notion d’héritage : transmettre c’est laisser à des descendants un bien matériel ou moral (par exemple, un nom, un patrimoine, des traditions…). Transmettre la spécificité des soins infirmiers en psychiatrie serait donc faire passer d’un infirmier à un autre une histoire, un savoir (ou théorie), un savoir-faire (ou pratique), qui nous seraient propres. Mais qui sont les protagonistes de cette transmission ? On voit bien qu’il y a deux acteurs de la transmission : celui
qui donne et celui qui reçoit. Et puis je crois que la transmission n’est jamais unilatérale : on a chacun à apprendre de l’autre, le débutant de l’ancien, l’ancien du débutant, l’infirmier de son collègue infirmier, l’infirmier du médecin et le médecin de l’infirmier…etc.… L’expérience. Là aussi, il s’agit d’une forme de transmission mais qui, cette fois-ci, ne se fait pas entre deux professionnels mais entre le patient et le soignant. En effet, je crois que c’est en allant à la rencontre des patients, en écoutant et en essayant de comprendre ce qu’ils nous disent de leur maladie que l’on apprend ce qu’est la pathologie mentale. C’est en réfléchissant ensemble, en élaborant ensemble autour de cette maladie que se crée un lien thérapeutique de confiance. On ne peut pas être soignant en psychiatrie sans se confronter à la folie, au délire, à l’insensé, à la souffrance de l’autre. Mais attention, loin de moi l’idée que l’on apprendrait à être soignant « sur le tas », en écoutant, observant et faisant preuve de compréhension et d’humanité. Il ne suffit pas « d’être » avec le patient, il faut « être soignant ». Comment apprend-on à être soignant ? Il n’y a aucune technique toute faite, aucune « conduite à tenir ». Alors, que faut-il transmettre aux étudiants et à nos jeunes collègues pour qu’eux aussi, à leur tour, prennent une position soignante ? Je crois que la base est d’avoir une conviction personnelle et intime forte que l’on est soignant… Or une conviction se forge, elle ne peut pas être donnée, elle ne peut être que soutenue, intégrée et reconnue par soi puis par l’autre. Je crois que l’on ne peut pas répondre à la question de la position soignante sans se poser la question suivante : que sont les soins infirmiers en psychiatrie ? De quoi sont-ils faits ? Pourquoi ? Nous avons admis depuis longtemps que la théorie était un outil essentiel de notre pratique. Par contre, l’inverse, c’est à dire la théorisation de notre pratique, n’en est qu’aux balbutiements. De plus, le processus d’accréditation nous pousse à écrire et formaliser ce que nous faisons… Nous sommes donc face à un défi, celui de mettre à plat notre pratique sans protocoliser de façon rigide les soins infirmiers en psychiatrie… Comment transmet-on ? Il est indéniable qu’il subsiste en psychiatrie une tradition orale de la transmission. Au delà d’un travail commun de réflexion, d’élaboration et d’analyse, les discussions qui s’instaurent entre professionnels sont l’occasion de phénomènes d’identification. A l’instar des « maîtres » d’autrefois, chacun de nous construit son identité de soignant en référence à des « modèles » qu’on peut qualifier d’identificatoires. Car finalement, on ne devient pas soignant, mais on s’identifie soignant, on se reconnaît, en se nommant soignant, soignant sur le modèle de l’autre que l’on a découvert après l’avoir reconnu et perçu soignant, donc par initiation. Seulement, actuellement, ces modèles restent souvent référencés à une unité de soin, un secteur ou une institution ce qui ne favorise pas un consensus des pratiques à un niveau plus large. Par ailleurs, je ne peux pas parler de la transmission du savoir sans évoquer l’évolution de l’institution avec les notions de qualité, de responsabilité, d’information du patient et de sa famille qui nous mène vers une augmentation sensible des transmissions écrites : dossier patient, « transmissions ciblées » des informations, informatisation… Va-t-il en être de même avec la transmission du savoir ? N’y a-t-il pas un risque de théorisation extrême qui risquerait d’empêcher les phénomènes transférentiels, les phénomènes identificatoires et la pensée ? Il me semble que l’enjeu est de lutter contre l’avènement d’une nouvelle génération de soignants dont la pratique pourrait être « robotisée », appliquant des protocoles dénués de pensée… Alors finalement, à quoi ça sert de transmettre ? Pour moi, il s’agit essentiellement de « porter témoignage », mettre des mots sur une histoire et une pratique mais aussi « donner le témoin » à d’autres qui continueront à mettre en œuvre cette pratique et à la faire évoluer. Je crois que plus il y a de transmission, plus la pensée est riche et plus les soins prodigués aux patients sont de qualité. Je crois aussi que les équipes ont majoritairement le désir d’avoir ce type de fonctionnement où la parole et la pensée de chacun est permise, reconnue et valorisée. Pour conclure, je citerai ces deux pensées qui ont guidé ma
réflexion sur ce thème de la transmission :
BIBLIOGRAPHIE
|
|||
|