Béatrice FRANCK
Michel JAROSZ
Jean-Claude ROTOLONI
A. INTRODUCTION
Lhôpital général est créé
sous le règne de Louis XIV par lEdit royal du 29 avril 1656.
Linstitution se donnait pour tâche dempêcher «
la mendicité et loisiveté comme les sources de tous
désordres ».
A Paris, lhôpital général est affecté
aux pauvres « de tous sexes, lieux et âges, de quelque qualité
et naissance et en quelque état quils puissent être,
valides ou invalides, malades ou convalescents, curables ou incurables
». Léglise participe au mouvement avec Saint Vincent
de Paul et les frères Saint Jean de Dieu. Si lhôpital
général nest pas uniquement répressif, il est
certain que lon en sort difficilement. Les hospitalisés sont
internés, cest « le grand renfermement ».
En 1785, linstruction de Doublet et Colombier prévoit que
« même les insensés doivent recevoir des soins et peuvent
espérer la guérison ».
En 1790,après la Révolution, on prévoit la construction
de grands hôpitaux destinés au traitement des insensés.
Il faudra, faute de financement, attendre plusieurs décennies pour
voir se réaliser ce projet.
Le 25 août 1793, Pinel libère les insensés de leurs
chaînes à Bicêtre.1) Naissance de lasile
La loi du 30 juin 1838 prévoit que chaque département devra
créer « un établissement spécialement destiné
à recevoir et à soigner les aliénés ».
Un règlement modèle des asiles est édicté
par la circulaire de 1857, mais il faut attendre la troisième République
pour que les principaux asiles soient créés. La psychiatrie
quitte lhôpital général. Cest le début
de la période dite « asilaire ».
En 1902, le Concours national de recrutement des aliénistes engendre
un corps médical dune grande uniformité, isolé
dans sa spécialité et dans son statut. Le recrutement des
infirmiers se fait en fonction de leurs capacités à maintenir
lordre.
Les religieuses, dont leffectif est croissant depuis la Restauration,
allaient trouver leur plus redoutable adversaire chez Bourneville. Sans
relâche, celui-ci allait dénigrer leurs pratiques, comptabiliser
les preuves de leur négligence à légard des
malades et souligner leur incompétence quant aux soins des aliénés.
« Dans la très grande majorité des cas, nous dit-il,
les religieuses sont loin de réaliser lidéal quon
se fait delles ; elles sont désobéissantes aux ordres
du médecin, rebelles aux injonctions de ladministration ;
loin dêtre dévouées aux malades, elles ne sen
occupent pas
Elles ne possèdent aucune notion dhygiène,
elles professent même, pour elles, le plus profond mépris
; la médecine, la science, tout cela sont autant dinventions
diaboliques
Elles considèrent la folie comme un résultat
du pêché, font des lectures mystiques à des malades
atteints de folie religieuse ».
Cest dans ce contexte quil faut resituer lémergence
de la profession infirmière.
Selon la thèse de Léonard, Bourneville, élu dès
1876 au conseil municipal radical socialiste de Paris dont il devient
très vite le rapporteur du budget de lAssistance Publique,
préconisera pour saper la concurrence des surs hospitalières,
mais encore celles des religieuses pharmaciennes de province, la laïcisation
des hôpitaux où elles sont censées se former. En échange
de quoi, il réclamera la création d'écoles dinfirmières
et dinfirmiers pour les remplacer.
Pour notre part, nous croyons que la création de ces écoles
qui allait sétendre aux asiles pour les mêmes raisons,
avait aussi comme objectif de relever le niveau de recrutement et, par-là
même, le niveau social et intellectuel du personnel laïc. La
mise en place dune formation professionnelle et lattribution
dun diplôme ne pouvait que contribuer à donner un statut
et, en même temps, valoriser les fonctions de ce personnel. Mais
encore, en formant les employés, on éliminait aussi ceux
qui acceptaient ce travail pour « hiverner ».2) La Salpêtrière
et Bicêtre : lieux de naissance de la profession infirmièreDésiré
Magloire Bourneville obtiendra satisfaction dès 1878. Le 1er avril
souvre lécole des infirmières de la Salpêtrière
et le 20 mai suivant celle des infirmiers de Bicêtre.
Ces écoles seront le berceau de la profession infirmière,
aussi bien en médecine générale quen psychiatrie.
En effet, si la fonction infirmière existe depuis la fin du 13ème
siècle avec lapparition du mot « enfermier »
(1288), cest bien à la charnière du 19ème et
du 20ème siècles, avec la mise en place de ces premières
écoles de lAssistance Publique de Paris et avec la circulaire
du 28 octobre 1902 rappelant la nécessité de développer
cet enseignement professionnel, que les appellations dinfirmiers
et dinfirmières utilisées pour le personnel soignant
des asiles daliénés, tout comme pour celui des hospices
et hôpitaux, furent officiellement et définitivement adoptées,
reléguant, par-là même et peu à peu, les termes
de « serviteurs, gardiens, filles de service ou servantes ».
Bien que ce changement dappellation concerne aussi bien le personnel
diplômé que non diplômé, comme nous lavons
nous même vérifié sur les registres de lasile
de Villejuif, par exemple, pour les cinq premières années
qui suivirent son ouverture (1884-1889), il sera plus long à sappliquer
dans les asiles que dans les hôpitaux. Effectivement, jusque dans
les années 1930-1940, dans certains établissements privés,
le terme de « gardien » subsistera encore pour le personnel
soignant non diplômé.
La persistance dans le temps de cette terminologie exprime, évidemment,
que le gardiennage reste une des tâches essentielles du personnel
des hôpitaux psychiatriques, contribuant à ne garder de ces
soignants quune image négative. Ceci nous expliquerait pourquoi,
dans tous les récents ouvrages consacrés à la profession
infirmière, dont les auteurs sont généralement des
infirmier(e)s de médecine générale, il nest
jamais fait mention des origines communes des infirmiers de secteur psychiatrique
et des infirmières diplômées détat :
deux formations qui sont, en réalité, les deux branches
dune même profession ; tout comme la psychiatrie est une spécialisation
de la médecine. Cela est dautant plus remarquable que les
premières écoles souvrirent, non pas dans des hôpitaux
ordinaires, mais dans les deux grandes maisons de lancien Hôpital
Général, fondé lui-même par décret royal
en 1656 et destiné au Renfermement des pauvres mendiants de la
ville et faubourgs de Paris. Théâtres du « grand renfermement
», ces deux hospices furent encore, dès la fin du 18ème
siècle, les lieux de naissance de lasile moderne et de la
psychiatrie française. Un siècle plus tard, malgré
la construction des nouveaux asiles de la Seine, ils gardèrent,
en partie, leur dernière destination.
B. HISTORIQUE DE CARRIERE
Jusquen 1921, où le Conseil Supérieur
de lAssistance Publique suggère la création décoles
professionnelles pour linstruction technique des infirmières
dasiles, la population soignante nétait constituée
que de personnes non qualifiées (vagabonds, naufragés de
la société
)
En 1940, la pénétration timide des travaux de Freud rend
nécessaire la formation dauxiliaires médicaux.
En 1922 : institution dun brevet de capacités professionnelles
pour les infirmiers et la spécialité hygiène mentale
est enseignée.
1930 : la situation des infirmiers dasile est organisée avec
un enseignement sur cinq ans.
Jusquen 1955 (28 juillet), le gardien simprovise comme infirmier.
A partir de cette date est organisée de façon cohérente
la formation du personnel soignant des hôpitaux psychiatriques sur
deux ans.
La 2nde guerre mondiale et ses conséquences dans les hôpitaux
psychiatriques occupent le devant de la scène.
Mais cette période marque la rupture entre le secteur généraliste
et le secteur psychiatrique.
Lévènement important est larrêté
du 3 février 1949 limitant lexercice infirmier des infirmiers
psychiatriques aux seuls hôpitaux psychiatriques. Par contre, les
IDE peuvent travailler dans les deux secteurs sans complément de
formation.
- est-ce le départ de la féminisation
en psychiatrie ?
Jusquen 1990, aucune enquête et distinction
na été faite au niveau de la comptabilité homme
et femme dans la profession infirmière. Cest lors dune
enquête en 1990 quun comptage a été réalisé
localement (DRASS Rhône-Alpes).
- Les études étaient payées
jusquen 1992. Est-ce que cela pouvait être une motivation
pour les hommes ?
Autres hypothèses :
- linstitution de la mixité
pour les patients dans les services de soins ?
- le diplôme unique ?
- lavènement des neuroleptiques
a-t-il contribué à la féminisation ? actuellement
:
. La mise
en uvre des Projets Sociaux dans les établissements hospitaliers
en 1994 permet une quantification de la population hommes / femmes dans
les équipes de soins.
. Il apparaît
que la proportion sur lensemble du personnel soignant (IDE, AS,
éducateurs
) se situe aux alentours de 38% dhommes.
. Daprès
les renseignements pris dans les IFSI, il y aurait 10% dhommes par
promotion, et sur ces 10%, 5% serait intéressé et motivé
pour travailler en psychiatrie.
C. EXPERIENCE PROFESSIONNELLE
CHR de Thionville :
- 2 services de psychiatrie adulte, de chacun
22 lits dhospitalisation
- 1 service de pédopsychiatrie
Psychiatrie adulte :
Jour : Service 203 : 2 hommes pour 14 femmes
Service 204 : 3 hommes pour 13 femmes
Nuit : Services 203 et 204 : 4 hommes pour 7 femmes
Pédopsychiatrie :
4 hommes pour 8 femmes (sur les 4 hommes : 3 éducateurs spécialisés
et 1 infirmier)
Hypothèses :
- Non-reconnaissance du diplôme IDE
à Bac + 3
- Grilles des salaires non adaptées
aux autres pays de la CEE
- Promotion de carrière en psychiatrie
très limitée
- Les jeunes IDE sont plus attirés
par les services techniques (SAU, Anesthésie, Réanimation
)Incidences
Remarques personnelles sur notre pratique :
- Le manque deffectif masculin fait
que le personnel restant est à nouveau de plus en plus sollicité
pour le côté « musclé » des soins :
. mise en chambre
disolement,
. agitation, traitement
injectable,
. mobilisation du
patient en surcharge pondérale dans les autres services de soins
généraux,
. brancardage.
- A linverse, ce manque dhommes
accentue le sentiment dinsécurité au sein des unités
de soins.
- Manques de repères, surtout pour
les patients psychotiques et la pédopsychiatrie dans les prises
en charge individuelles. Doit-on revoir et reconsidérer les notions
théoriques de prise en charge pour ces patients (image du couple
parental) ?
- Déséquilibre de la dynamique
des équipes, et manque de complémentarité dans lapproche
des patients et la réflexion sur les soins (ressenti différent
entre hommes et femmes)
D. PERSPECTIVES DAVENIR
Les éléments dont nous disposons actuellement
sur le devenir de la psychiatrie nous laissent perplexes et pessimistes
:
- fermetures de services et détablissements
psychiatriques,
- diminution des lits dhospitalisation,
- pénurie des psychiatres,
- féminisation de plus en plus importante
des équipes de soins,
- augmentation de la violence dans lhôpital,
- diminution des quotas IDE dans les équipes,
qui entraînera une baisse de la qualité des soins.
E. QUELLES REPONSES PEUT-ON ENVISAGER ?
Faire de la psychiatrie une spécialité à
part entière,
- Mener des réflexions dans chaque
établissement sur la sécurité dans le contexte des
soins,
- Créer et formaliser des partenariats
intra-services (par exemple avec le SMUR, les urgences),
- Intégrer dans la F.C. la gestion
du stress et de la violence,
- Création de réseaux pluridisciplinaires
extérieurs à létablissement (police, justice,
mairies, partenaires sociaux
),
- Développer au sein des équipes
le rôle propre infirmier, qui ne peut pas prendre toute sa dimension
réelle face au poids de la culture générale de lhôpital,
- Revaloriser limage de lHôpital
public dans le dispositif de soins.
QUELQUES STATISTIQUES :
Au 1er janvier 2000, la France compte 376 627 infirmier(e)s.
12,7 % sont des hommes (y compris le secteur psychiatrique), soit 47 888
infirmiers. Cette profession est donc majoritairement féminine.
Elle est aussi très diversifiée.Répartition par secteurs
dactivités :Lactivité salariée reste
prédominante puisquelle concerne plus de 85 % des infirmiers
en activité.(*)Dans un ordre décroissant :
- lhôpital public est de loin
le plus gros employeur avec près de 180 000 emplois, dont 14,5
% dhommes,
- le secteur intermédiaire en compte
13,99 %,
- les hôpitaux privés 12,14
%,
- les ministères 12,52 %,
- les entreprises 11,56 %.
Lactivité libérale concerne plus de 14 % dinfirmier(e)s,
et elle compte 13 % dhommes environ.(*) Répartition par catégories
professionnelles :
Dans les hôpitaux publics, nous trouvons environ :
- 20 % dhommes environ chez les infirmiers
psychiatriques,
- 13,5 % dIBODE (Infirmiers de Bloc
Opératoire Diplômés dEtat),
- 21 % dIADE (Infirmiers Anesthésistes
Diplômés dEtat),
- 20 % de cadres et de cadres supérieurs,
- 18 % dIG (Infirmiers Généraux).
Environ 13 % des infirmiers exercent en libéral, cest à
dire pour leur propre compte et donc choisissent lindépendance.
Nous concluons cet exposé sur la féminisation des équipes
de soins par une pensée de FREUD :
« Nous disons que lêtre humain a deux objets sexuels
originaires : lui-même et la femme qui lui donne des soins »
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Béatrice FRANCK
F.F Cadre Infirmière - Psychiatrie Adulte
Michel JAROSZ
Cadre Infirmier Pédopsychiatrie
Jean-Claude ROTOLONI
Cadre Infirmier Psychiatrie Adulte
C.H.R. Thionville (Moselle)
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(*) Ministère de lemploi et de la solidarité
: Direction de la Recherche et des Etudes de lEvaluation et des
Statistiques (D.R.E.S.S.) : répartition des infirmiers (y compris
psychiatriques) par secteurs dactivité.
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