- Compte-rendus
Féminisation des équipes de soins.
Effets de la pénurie sur l'organisation du secteur

1. COMPTE RENDU

A propos de la féminisation des équipes infirmières en psychiatrie.
[B.Frank, M.Jarosz, J.C. Rotolini : CHR de THIONVILLE(57)]
La féminisation des équipes soignantes et ses conséquences sur les soins.
[N.Chazalet : CHS St jean de Dieu (69)].

Le rappel historique de la fonction de l'infirmier psychiatrique a été fait par les intervenants :
-début de l'enseignement de la spécialité à partir de 1930,
-l’infirmier s’impose à la place du gardien à partir de 1955,
-les études payées jusqu'en 1992 (était-ce une motivation pour les hommes ?),
-apparition du diplôme unique en1994.

Actuellement nos compétences soignantes sont remises

en cause notamment à l’occasion d'événements institutionnels (fugues ou évasions) qui nous renvoient à nos propres limites.

La féminisation des services vient de 3 idées :
- revendication syndicale:"embauchez des hommes !"
- revendication féministe:" les femmes avec leurs compétences !"
- revendication de la reconnaissance:"pas les muscles, c'est l'esprit !"

La spécificité des soins en psychiatrie s’accompagne de la notion de « peur », peur souvent inavouée, par crainte d’être jugé incapable, incompétent et vulnérable à la critique.

Pourtant il y a nécessité d'une gestion de la peur, sans laquelle nous projetons nos angoisses sur le patient fragile.
Le lien thérapeutique permet l'identification.

Que penser de la féminisation de la psychiatrie ?

Nous sommes confrontés à une diminution des moyens financiers, humains, de formation.
« Il y a nécessité d'analyser notre pratique afin de faire évoluer notre pensée. »

 

 

Effets de la pénurie sur l'organisation des secteurs.
[J.P Boyer : DRAGUIGNAN (84)].

On ressent depuis quelques années les effets du numerus clausus dans notre do-maine la répartition public- privé n’est pas satisfaisante , l'économie dans les soins entraîne forcément une augmentation autre part.

Le glissement progressif des financements de l'intra sur l'extra, avec les résistances de l’intra hospitalier. On est dans l'interface avec le médico-social où on nous demande de voir les patients en institutions, remettant en question la politique de secteur précédente.

Le PMSI n'est actuellement pas efficace sur le plan technique, avec l'exemple de la médecine, chirurgie, obstétrique de la région PACA où il faudra 30 ans pour retrouver un équilibrage.

 

2. DEBATS

E. Julliand : La féminisation est une évolution durable de notre société. Par exemple dans l'instruction à l'éducation nationale, on parle de "jeune ", on est du côté maternel plus que du coté du savoir".
On évoque actuellement le congé paternel, c'est une masculinisation de l'espace domestique cela peut perturber certains patients. Il faut faire fi de la différence des sexes, on travaille sur l'identité sexuelle et la différence. Il y a un ordre de santé mentale, ce qui multiplie des liens sociaux.

M. Bernard : On a 3 idées parasites basées sur la revendication, il est difficile de sortir de ces 3 intriquées afin d'arriver à la fonction de soins, on évacue souvent la pathologie mentale au profit de la santé mentale.

J. Pernet : Evoquant le travail effectué à la maison thérapeutique, parle des problèmes liés à la culture de certaines ethnies (vaisselle, etc..), on a des rôles différents en fonction de la "fonc-tion".

R. Berthellier : On oublie la pathologie au profit de la notion de « santé mentale », on travaille donc en réseau médico-social. On a des contraintes sécuritaires avec l'exemple des renforts spécifiques de 3 infirmiers la nuit pour les HO et HDT. "Montrer la force pour ne pas arriver à s'en servir."

Michelle (Paris) : Il y a actuellement une stratégie de recrutement, "pas trop d'hommes dans les services !" .

A.Gasté : L'APA s'est intéressée aux aspects juridiques. Aux USA il faut l'accord du juge pour une contention, d'où les efforts pour l'éviter. Il faut l'accord du patient pour tout traitement. Les protocoles, règles, consignes ont tendance à stériliser les soins. La diminution des psy-chiatres a augmenté le travail des psychologues et infirmiers. La pénurie médicale a amené à déléguer de plus en plus, l'intervenant devenant responsable de ses actes, il y a un risque de dessaisissement.

Michelle : La prévention est délaissée en Ile de France, il y a le repli vers les urgences de l'hôpital général. Le rapport Piel-Roelandt montre un glissement vers une prise en charge (PEC) médico-sociale des problèmes. (PEC des précaires ?)

J. Pernet : On tient compte de la répartition des hommes dans les plannings. Les demandes des précaires restent plus économiques que sanitaires.

J. de Lorenzi : L'état des lieux est déprimant. "Le pessimisme est l'idéal des salauds et l'opti-misme l'opium des cons!!" (référence?). Il y a beaucoup trop d'écrits, les protocoles sont en excès. Actuellement on a une pression énorme de l'administration, elle recrute de préférence actuellement les moins gradés.
On mobilise la masse musculaire avant la parole.

A.Gasté : En Allemagne, il y a des structures spécifiques pour le médico-légal, les patients y restent le temps de leur peine. En Angleterre où les consultation sont à 637 F, pour l’obtention d’un rendez vous, il faut compter jusqu’à 18 mois d'attente.

M. Boudet : Récemment, dans le service, un patient a pris en otages 2 infirmières.
La pénurie a engendré une fermeture de lits, moins de synthèses moins d'activités.

Brigitte (Martigues) : Il y a nécessité d'un travail accru avec les IFSI, les hommes sont fragili-sés par leur situation .

D. Saugier : Il existe une difficulté à parler de la violence dans les services, on a moins de disponibilité, on est moins à l'écoute. Au lieu de parler de "déféminisation", il faudrait parler de "démasculinisation". La masse musculaire est-elle sécurisante? Ce n'est pas sûr. On ne parle pas assez de la violence et de l'angoisse qui s'y rapporte.

X. Desmet : Parfois la parole n'opère plus, elle n’est plus contenante. L'homme sollicité de-vient alors le persécuteur du pavillon, ce qui doit être repris, sans quoi on s'expose à une dé-masculinisation institutionnelle.

A. Gasté : Il est nécessaire de ne pas cliver l’équipe," les costauds et les autres". La verbalisa-tion de l’événement douloureux doit être effectuée en équipe, en présence du chef de service.

M. Boudet : A la demande d'un soignant une réunion peut être sollicitée. Les règles sécuritai-res n'empêchent ni le passage à l'acte, ni l’intérêt des supervisions.
Il y a certains facteurs prédictifs du passage à l'acte (durant les transmissions et la nuit, à l’encontre de toute autorité, selon le profil psychopathologique du patient).
Néanmoins doit-on risquer notre vie ? Il est aussi nécessaire de se prémunir de la violence lors des transferts de patients.

A.Gasté : Il faut se méfier de l'affectif qui peut prendre le dessus et amener à des passages à l'acte. La lecture de la clinique peut éviter de prendre le moindre risque.

J.P. Boyer : Le niveau de violence de la société est élevé, souvent retrouvé aux urgences. Il nous arrive aussi à nous de dépasser la loi, qu'elle est notre toute puissance?

E. Julliand : Il faut donner du sens à la violence, une approche sociologique semble adaptée.
Il est nécessaire, pour le patient et pour le soignant, de faire le lien entre le contexte du passage à l’acte et l’histoire personnelle du malade.

J. Pernet : Il ne faut pas faire de notre spécialité quelque chose de totalitaire. Nos réponses aux demandes des patients ne doivent pas être systématiques. On ne se laisse pas le temps à la réflexion, on ne doit pas être trop rassuré par sa pratique.

A. Gasté : Les nouveaux troubles de la personnalité sont hyperadaptés.
Par rapport à la pénurie, l'augmentation du numerus clausus ne bouche pas les trous. Notre diplôme est actuellement dévalorisé.
J.P. Boyer : L'économique nous détruit. Notre présence aux urgences nous prend beaucoup de temps, on n'a qu'une répétition de situations identiques.

R. Berthellier : Nous sommes victimes de l'inflation de la demande, il y a une modification de la clientèle des CMP depuis 15 ans, elle se rapproche de celle des psychiatres libéraux avec moins de moyens, actuellement nous avons 3 semaines de délai d’attente.

 

3. CONCLUSION

Les débats étant tellement riches et passionnés, parfois déprimants(!), je n'ai pu relever tous les débats, ce dont je m'excuse. Il ressort, néanmoins, cet état, retrouvé dans d'au-tres métiers, de féminisation ou démasculinisation dans nos secteurs.

Il a beaucoup été question de la peur dans les services et de la violence qu'elle peut générer, d'où l'intérêt d'en parler. La routine, les réponses stéréotypées peuvent amener à des passages à l'acte. D’autre part, on peut se demander si le diplôme unique a une formation suffisante dans notre discipline.

En psychiatrie le fonctionnement opératoire n’est pas toujours opérant ! Des proto-coles existent. Certes nous en avons besoin, mais ils sont à consommer avec modération ! Il semble y avoir un juste milieu. Lors d'épisodes délicats, il peut être nécessaire de faire appel à la force, mais ces épisodes ne doivent pas rester vides de sens.

La pénurie de psychiatres entraîne une délégation des soins, d'où un problème de responsabilité, avec les difficultés qui en découlent sur le plan médico-légal.

Les psychiatres doivent répondre à leurs missions, dixit les tutelles via le rapport de nos collègues .Il semble que l'hôpital général soit à leurs yeux le pivot des soins psychia-triques dans les années à venir.
Comment nous situons nous, pour notre avenir et celui de nos patients ?

 


H.de GROVE
CMP de Pamiers (09)

 
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