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LES
DROGUES : DÉPÉNALISATION, LÉGALISATION OU MAINTIEN DE L'INTERDIT ? |
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I. INTRODUCTION 1°) « Ma » toxicomanie 2°) En voyage en Bolivie et au Chili : usage thérapeutique
dune substance illicite
3°) Notre illustration du sujet par le cannabis : II. LES QUESTIONS JURIDIQUES Les lois régissant actuellement lusage et le trafic de stupéfiants font partie du Nouveau Code Pénal au chapitre réprimant « les atteintes à lintégrité physique ou psychique des personnes » (articles 222-34 à 222-43). Il sagit dinfractions de nature correctionnelle sauf pour les formes les plus graves de trafic qui sont de nature criminelle. Il est intéressant ici de remarquer que cest le même texte (art. 222-37) qui sanctionne le transport, la détention, loffre, la cession, lacquisition et lemploi de stupéfiant (10 ans demprisonnement et 50 000 000 F damende). Dans les faits, et même sil existe des disparités suivant les juridictions, la détention pour lusage à titre personnel de stupéfiants (notamment de cannabis) est de plus en plus rarement poursuivie (et donc condamnée). Néanmoins le rappel à la loi peut continuer à sexercer, en particulier par la mise en garde à vue (pouvant aller jusquà 48 h ). Si linterdiction existe, elle nentraîne donc pas forcément la punition. On pourrait alors penser que même sil ny a pas de dépénalisation de jure de la consommation de cannabis, il existe déjà une dépénalisation de facto. Mais quest-ce que cela signifie en termes juridiques ? La dépénalisation est une notion juridique subtile qui enlève à un fait sa coloration pénale (ce nest plus une infraction) sans toutefois le rendre légal (il reste susceptible dentraîner des actions ou des sanctions civiles). Dans le cas du cannabis, dépénaliser lusage nautoriserait donc pas le commerce. Cela pose alors plusieurs questions : Comment peut-on à la fois permettre lusage dun produit et en interdire la vente et lachat, cest à dire rendre légale la consommation dun produit dont le trafic est illégal ? Du coup, la dépénalisation de lusage du cannabis nentraînerait-elle donc pas forcément une légalisation de ce produit ? Si lusage de cannabis est autorisé, comment faire de la prévention, notamment auprès des jeunes, sachant que, malgré linterdiction, cette prévention est déjà compliquée ? Lexemple actuel des difficultés à faire la prévention des drogues légales (alcool, tabac, médicaments) doit orienter notre réflexion Les partisans de la levée de linterdiction du cannabis argumentent leur position par la liberté de chacun de faire usage de son corps comme il lentend. Ils soutiennent leur position par lidée que leffet du cannabis est comparable à celui de lalcool lorsquil est consommé en quantité modérée (griserie sans perte majeure de la maîtrise sur le comportement et sur lenvironnement.) La thèse des abolitionnistes, largement décrite dans la rapport de C. TRAUTMAN au Premier Ministre en octobre 1989 relatif à la lutte contre la toxicomanie et le trafic des stupéfiants, pose les questions suivantes : Quelles sont les limites entre drogues douces et drogues dures, usage « récréatif » et toxicomanie et par conséquences, où met-on les limites entre licite et illicite ? Dans le cas dune levée de linterdiction et sachant que la consommation de cannabis nest pas dépourvue de danger, quelle serait la part de responsabilité de lEtat dans les comportements auto-dommageables des usagers ? La consommation de cannabis est-elle un problème juridique ou un problème de santé publique ? Du côté judiciaire, le débat reste ouvert (et dactualité !). Dun point de vue médical, et plus particulièrement psychiatrique, outre les difficultés à soigner les patients psychotiques consommant du cannabis, nous sommes confrontés à la mise en uvre par la justice des articles L.628-1 et suivants du Code de Santé Publique. Cet article stipule que les personnes inculpées suite à lusage de stupéfiants, lorsquil aura été établi quelles relèvent dun traitement médical, pourront y être astreintes : cest linjonction thérapeutique. Alors, même si cela est simpliste et réducteur, la question qui est sous jacente à ce débat reste : Le consommateur de toxique est-il un délinquant qui doit être puni ou bien est-il un malade qui doit être soigné ? III. ASPECTS PHARMACOLOGIQUES La résine de cannabis contient plus de 400 composants, appelés cannabinoïdes. Les cannabinoïdes sont des phénols à 21 atomes de carbone, synthétisés selon une séquence très précise dans la plante, en fonction de paramètres écologiques et génétiques. Cette synthèse est maximale en début de floraison. Les effets pharmacologiques immédiats et différés du cannabis sont principalement dus au D9-tétrahydrocannabinol (D9-THC), le plus abondant des cannabinoïdes contenus dans la plante Cannabis sativa indica. La teneur en D9-THC varie beaucoup en fonction de la provenance géographique du produit, la concentration maximale est trouvée dans les sommités fleuries. Feuilles, tiges et branches en contiennent moins. La concentration en D9-THC varie de 0,7 à plus de 20 %. Caractéristiques : Il sagit dune substance liquide, instable, huileuse, insoluble dans leau, soluble dans lalcool. Il sinactive à la lumière, à loxygène, à la chaleur et à lhumidité, et se transforme alors en cannabinol. Il faut surtout en retenir le caractère liposoluble, important dans son métabolisme. Structure chimique : Cest une molécule dérivée du benzopyrane, non azotée, porteuse dune fonction phénol. Sa structure chimique peut être rapprochée de celle de certains hallucinogènes notamment lacide lysergique (LSD) ou la psilocybine. Métabolisme : Labsorption peut se faire par ingestion ou inhalation. Lactivité dépend fortement de la voie dadministration, elle est nettement plus importante en cas dinhalation (3 à 4 fois plus). En effet, la bio disponibilité du D9-THC par inhalation est de 20% contre 6% par ingestion. La dose inhalée efficace serait de 25 à 50 mg/kg tandis que la dose orale efficace serait de 50 à 200 mg/kg. Un joint contient en moyenne 2 à 25 mg de D9-THC pour une résorption effective entre 0,4 et 5 mg. Le passage du D9-THC dans la circulation sanguine est rapide du fait du caractère fortement lipophile, il est véhiculé par les lipoprotéines plasmatiques avec un taux de fixation de 99%. Puis il passe dans le cerveau, essentiellement constitué de phospholipides, et dans différents tissus, notamment le tissu adipeux où il est stocké. Il est ensuite lentement relargué, avant dêtre éliminé. Les effets psychotropes apparaissent dans les 15 à 20 minutes chez un sujet naïf, un peu plus tard chez le consommateur régulier. Le D9-THC et ses métabolites peuvent être dosés dans le sang et les urines. La concentration plasmatique diminue rapidement avec apparition de nombreux métabolites puisque le métabolisme hépatique du D9-THC donne lieu à la formation de plus de 80% de métabolites majoritairement inactifs, le principal métabolite actif étant le 11-hydroxy-9-tétrahydrocannabinol (11OH9THC). Celui-ci sera oxydé en acide carboxylique 11-nor-D9THC (THC-COOH), inactif, très abondant dans le plasma et dans les urines. Pour les urines, de nombreux tests de dépistage sont commercialisés et sont assez fiables. Ils mettent en évidence la consommation de cannabis sans préjuger du temps écoulé entre la dernière consommation et le recueil durines. La salive pourrait constituer un bon milieu de dépistage, facilement accessible, témoignant dune consommation récente puisque détectable dans les 2 à 10 heures qui suivent. Cette présence de produit dans la salive sexplique surtout par un phénomène de séquestration buccodentaire lors de linhalation. Mais il nexiste pas pour le moment de dispositif commercial pour ce type de dosage. Les cheveux reflètent des expositions répétées et permettent détablir un niveau de consommation. Ce type danalyse est utilisé en médecine légale, en médecine du travail et dans la lutte contre le trafic et le dopage. Le D9-THC agit par lintermédiaire
du système cannabinoïde endogène. En effet, il
existe un système cannabinoïde endogène composé
de substances neurochimiques ou ligands endogènes ou endocannabinoïdes,
et de récepteurs spécifiques. Ces mêmes modifications sont décrites dans le modèle neurobiologique de la schizophrénie. Les recherches actuelles en neurobiologie privilégient le concept de vulnérabilité, complémentaire de lapproche psychopathologique et permettant de formuler des hypothèses également sur la différence de susceptibilité des individus aux différentes drogues. Le fonctionnement cérébral de base entre dans le cadre dune homéostasie. Lorsque le cerveau est soumis à une agression extérieure telle que larrivée dune substance psychoactive, cette homéostasie est perturbée. Cet équilibre homéostatique peut être maintenu grâce à lintervention dautres facteurs, notamment génétiques et environnementaux. Dans le cas contraire, les modifications biochimiques au niveau des neurotransmetteurs peuvent induire des manifestations cliniques de type psychotique. IV. LA PSYCHOSE CANNABIQUE Dans son rapport "le Cannabis, quels effets sur le comportement
et la santé", l'Inserm affirme l'existence d'une psychose
induite par l'usage du cannabis. Ce trouble est reconnu dans la classification
internationale des maladies mentales : DSM-IV, CIM-10. Il semble que le déclenchement des troubles soit principalement lié à la dose consommée : un essai réalisé en France par P. Deniker a démontré chez six volontaires sains que la dose de 10mg de tétrahydrocannabinol a déclenché des troubles (résolutifs) de nature psychotique. Cependant, différents auteurs insistent sur l'importance d'autres critères :
Les patients présentant certains troubles mentaux sont plus fréquemment consommateurs abusifs de cannabis. 1) La psychose cannabique aiguë Elle est rencontrée le plus souvent, à l'occasion d'une
forte prise de cannabis. L'intensité des troubles et la durée
des phénomènes permettent de la distinguer de l'ivresse
cannabique. Le sujet présente :
A contrario, la scène clinique peut être dominée par des symptômes négatifs, à type de repli sur soi, voir de catatonie ou de catalepsie. Parfois on constate des états d'angoisse importants associés à des éléments suicidaires. Ces épisodes sont susceptibles de se prolonger plusieurs semaines. Cependant lamélioration est obtenue rapidement par un traitement neuroleptique. Lévolution est favorable : la restitution de l'état psychique antérieur est la règle, avec toutefois une amnésie des troubles présentés. 2) La psychose cannabique chronique : Actuellement on l'observe en France chez des sujets n'ayant pas présenté
de troubles notables de la personnalité préalablement à
l'intoxication, et qui ont régulièrement utilisé
le cannabis depuis plusieurs années en s'abstenant habituellement
d'autres drogues. Il est à noter que le tableau clinique est proche de celui de
la schizophrénie Il différerait de la schizophrénie par une plus grande bizarrerie de comportement, une plus grande violence dans le passage à l'acte, une panique plus importante concernant les affects, moins de troubles du cours de la pensée, et une conscience plus marquée du caractère de leur état.
Aujourd'hui la question de la légalisation ou de la dépénalisation du cannabis doit prendre en compte les données récentes mettant en évidence, notamment chez les adolescents, et en dehors du cadre légal, une consommation plus précoce et une population d'usagers en augmentation constante. L'Inserm indique que "l'expérimentation du cannabis concerne essentiellement les populations les plus jeunes, surtout à partir de 15 ans. 60% des garçons de 18 à 19 ans ont expérimenté le cannabis, 12% chez 1es 15 à 16 ans". Le cannabis actuellement plus accessible financièrement, difficilement contrôlable par l'entourage familial, véritable rite initiatique, s'installe chez une population à la recherche de repères. "L'action destructurante de l'intoxication cannabique est susceptible, surtout au stade critique de l'adolescence, avec ces nombreux remaniements psychologiques, de révéler des possibilités dissociatives latentes et d'en favoriser une évolution chronique", précise le Dr F Perdereau. Peut-on encore parler de drogues douces ? V. LES FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX Il existe deux axes de réponse à la question de létiologie de la toxicomanie :
En effet, même si tout produit psychotrope a un
pouvoir toxicomanogène intrinsèque, la seule rencontre dune
personne avec ce produit ne suffit pas à en faire un toxicomane.
Pourquoi, en effet, y a t il pour un même produit des toxicomanies
majeures (dont le degré de dépendance entraîne une marginalisation
et une mise en danger de la personne) et des toxicomanies mineures (consommation
« récréative » de toxique) ? De plus, confrontées
à la drogues, certaines personnes sont en incapacité dy
résister et sombrent dans la toxicomanie alors que dautres
peuvent sen protéger. Enfin, une même personne pourra
contrôler sa consommation de toxique à un moment et en être
dépendante ensuite. Lenvironnement familial Toutes les toxicomanies ne sont pas des produits familiaux et il nexiste pas un modèle unique de système familial pathologique pouvant expliquer la toxicomanie. Néanmoins, on note des points communs à de nombreuses familles de toxicomanes :
Les toxicomanes sont le plus souvent jeunes (entre 15
et 25ans). Ils viennent de tous les milieux sociaux mais se trouvent en
rupture de famille, avec comme on la vu des carences affectives et/ou
éducatives fréquentes. Lorsque la toxicomanie est avérée,
celle-ci permet au jeune de se mettre en rupture familiale tout en renforçant
les liens familiaux (par la dépendance mais aussi par linquiétude
de la famille à son sujet). Elle devient alors lexpression
même des troubles relationnels intra-familiaux évoqués
ci-dessus. La concomitance dune recherche identitaire et de sentiments de mal-être inhérents à la crise dadolescence accentue la fragilité face aux toxiques. La consommation de cannabis (ou dautres substances telles qualcool ou ecstasy) permet au jeune à la fois :
Des groupes de jeunes se forment autour de cette transgression. Ces groupes, sorte de communautés avec une culture commune (autour du haschisch mais aussi de la musique, du style vestimentaire, éventuellement dune certaine idéologie ) permettent à ladolescent en recherche identitaire de trouver un sentiment dappartenance à un groupe identificatoire. Fumer du haschisch est ici à la fois le vecteur favorisant du lien social, une sorte de rite dinitiation et un signe de reconnaissance. La banalisation du cannabis Jévoquerai ici une situation rencontrée au CMP de
Vénissieux / St Fons cette année et qui me semble être
très représentative. Bien sûr, nous ne nous sommes pas associés à cette journée. En tant que professionnels de la santé, nous ne pouvons pas cautionner une telle publicité pour une plante dont un certain usage comporte des dangers. Banaliser un tel produit sans en dénoncer les méfaits, sans même y avoir réfléchi, se rapporte à mon sens à une incitation à la consommation. Beaucoup dautres exemples pourraient montrer la banalisation du
cannabis dans notre société actuelle et cela pose le problème
suivant :
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