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ESQUISSE D’UNE RESISTANCE | |||
L’année dernière les sujets proposés tournaient autour du lien, de la pratique, pour ma part c’est avec un peu de lassitude que je propose « La Résistance » mon voisin le Dr Boyer me dit « tu as une idée derrière la tête ». Avec sincérité je réponds « non ». Mais la question fait son chemin. Dans un effort de précision et d’apaisement j’ajoute : Esquisse d’une résistance donc et aussi en filigrane. Qu’est-ce que j’ai derrière la tête ? La 2ème question me semble inépuisable mais je vais tenter de l’assécher un peu. En proposant 1 « Esquisse je croyais pouvoir évacuer l’affaire en en traçant les contours et bien non. Le Littré est formel et il reste une de mes balises. Un rapide tracé se nomme une ébauche. L’esquisse c’est une sorte de matrice elle contient les prémisses du tableau j’aurais du m’en douter en référence à la lettre 52 de Freud à Flicss. Une construction délirante si proche de la réalité. Comment réaliser cette esquisse et au bout du chemin entrevoir peut-être ce que j’ai derrière la tête. Dois-je travailler la question de façon inductive, éplucher Littré, le Gaffiot. Les Ecrits Techniques de Freud, l’histoire avec un grand H ? Ca y est je suis embarqué, les nuits deviennent courtes et j’égare mes objets. Sur un frêle esquif, pas encore baptisé, je me trouve déportée vers une terre bordée de Rochers abrupts, sur la carte marine nommée Résistance ils portent les noms d’incantations de revendications, de plaintes. Du pont avant, je vois au mouillage des paquebots plutôt récents où des capitaines galonnés munis d’un porte voix dénoncent la desubjectivation de notre discipline, la course à l’évaluation effectuée par des évaluateurs de plus en plus nombreux (un métier d’avenir) eux-mêmes évalués, tatillons, inutiles, traquant avec conviction et sérieux les méandres de notre pensée pour la standardiser, la reproduire petit bout par petit bout, étape par étape dans une langue organisée par le souci permanent d’échapper à l’équivocité. Ils parlent d’or. Sous nos yeux, une bureaucratie arrogante se met en place, détourne les ressources à son seul profit, se nourrit de notre travail et nous mine de l’intérieur, flattant les ambitions, soupoudrant l’insécurité, les projecteurs braqués sur les défauts. Le courant m’entraîne, est-ce cela que j’ai derrière la tête ? Le voyage commence à peine, je pointe ma longue vue (vrai-fausse invention de Galilée) et ajuste mon regard. Je hisse une voile de facture ancienne mais encore solide, sors une boussole appelée psychiatrie au XXè siècle et lis le mode d’emploi. Cela ne tient pas encore sur une clé USB. Les caractères commencent peu à peu à s’effacer, ici et là quelques figures familières dont les voix se sont tues m’emplissent de nostalgie. Peut-être avaient-ils un peu trop de gueule nos aînés ? Certains dans le 4ème âge essaient encore et toujours de parler de leurs fous auprès de qui ils avaient réinterprété leurs discours, adopté un certain rythme sur le rivage de la psychose. Leurs silhouettes semblent parfois suspendues, les paroles hésitent s’interrompent brutalement suspendues à un fading, témoin de leur véritable engagement, aux risques de…… afin de s’approcher de cet autre monde, une maille à l’endroit, une maille à l’envers un point de chaînette émaillé de soupirs, d’air entendu, d’interrogations muettes pour essayer de longer l’abîme construire un abri fragile un hein ; parler l’impossible et une fois encore se rappeler de ces dialogues si particuliers. Une collègue me racontait qu’à bout d’arguments elle s’était exclamée : Mais qu’est-ce que j’ai derrière la tête ? Des histoires de fous. Bonne pioche. Force, souplesse, fermeté et… humour Des mots qui nous concernent plus, c’est ceux d’extermination douce. Curieusement j’avais un peu résisté à la prendre de ce côté car j’avais peur de m’ennuyer de vous ennuyer un peu avec ce rappel sur ce concept psychanalytique. La Résistance, elle surgit au décours d’une analyse dans le silence de l’analysant débordé par l’association libre et prenant conscience de la présence de l’analyse. C’est la définition que je préfère. Qu’est-ce que j’ai derrière la tête ? Plus je me rapproche de ce noyau pathogène plus je m’intéresse au combat collectif ? Je vacille, je n’ai plus le pied marin me précipite sur le pont, j’avais oublié j’ai rédigé des EPP avec l’air sournois de celui à qui on ne la fait pas, mais la culpabilité inconsciente me rattrape elle traverse mon estomac j’ai les fois et n’ai pas l’estomac de….. il ne me reste plus qu’à me livrer au pilotage automatique et sombrer. Mais qu’est-ce que j’ai derrière la tête ? Je heurte une aspérité m’en sers momentanément d’appui un tract est accroché, c’est le texte d’une intervention du Dr Czemak commise lors d’un week-end consacré aux surdoués. Il nous parle du cas d’un petit garçon surdoué séparé de sa mère à 2 ans car trop pénible à la naissance d’une petite sœur et là chez sa nourrice, miracle, il avale tout, retient tout, ne résiste à rien et surtout pas à un savoir constitué et cela jusqu’à des études de Polytechnique dont il sort dans la botte, rencontre une fille et patatras plus rien. Mais qu’est-ce que j’ai derrière la tête ? C’est le mat, qui me semble indiquer le bon sens phallique au delà du dogme de la religion où les fils du sens et du symbolique seraient secondaires et se noueraient avec le singulier pour cerner l’au-delà de la signification. Résistance Wiederstand . Etre de nouveau des psychiatres debout. Au loin le bout de la route l’Archipel « les Ilots de Résistance » de vieux gréements. Ils préparent une journée le 5 juillet je crois.
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