- Compte-rendus
ESQUISSE D’UNE RESISTANCE

[Joëlle DELORENZI]

 

La résistance est soit un concept psychanalytique ou bien une référence historique qui est liée au courage. Notre référence à nous, est celle de la « pratique de la folie » et le Littré nous donne comme définition de ESQUISSE : matrice, ébauche d’un tableau.

Dans un cas on se rapporte aux « Ecrits techniques » de FREUD, dans l’autre la question devient : « Comment suis-je travaillé par la résistance ou par la lâcheté !

Est-ce une revendication ou une plainte ?

Nous constatons que la nouvelle méthode qui consiste en une course à l’évaluation par des ….. évaluateurs ( métier d’avenir s’il en est ) nous confronte à une langue qui justement échapper à l’équivocité. C’est la nouvelle boussole qui c’est toute la psychiatrie du XXème siècle avec ses caractères qui s’effacent. C’est l’engagement des anciens, dont les silhouettes s’effacent. Ceux qui se colletaient la psychose.

La résistance des matériaux a à voir avec l’élasticité, l’embrasement, la contagion, la force et la souplesse.

La résistance c’est aussi un choix conjugué au présent.

La Résistance en analyse c’est l’association libre qui déborde et qui prend conscience de la présence de l’analyste. CHERMAK a commis un texte qui parle d’un savoir constitué avalé sans résistance.

Les psychiatres sont debout et résistent actuellement à travers des rassemblements ou des textes comme « Pratique de la folie » ou «  Zéro de conduite ».

J.P.BOYER : intervient pour rappeler la scission de notre association d’avec « psygé » en 87/90 ? Il s’agissait bien,selon lui, d’un mouvement politique et ça a favorisé l’implantation de la psychiatrie à l’hôpital général. C’était une manne énorme qui a été apportée à cette époque avec la dotation globale annuelle et il y a eu certains détournements de postes infirmiers ou autres sur le dos de la psychiatrie.

Dans cette association on a toujours travaillé beaucoup les concepts théoriques. Comment peut-on relier aujourd’hui le concept de Résistance psychanalytique, à la politique et à l’action ? A quoi doit-on résister ?

J. DELORENZI : On résiste surtout à soi-même. Elle cite un article du Monde du 05 mai 2008 de Roland GORI et qui a pour titre : « NORME PSYCHIATRIQUE EN VUE » elle rappelle qu’au titre de la résistance il y aura une réunion le 05 juillet 2008 qui a pour thème «  Sauvons la clinique » que d’autres comme « Pratique de la Folie » et peut-être l’A.L.I. se mobilisent.

J.P.BOYER rappelle le livre de MELMAN «  L’homme sans gravité » qui parle de la jouissance immédiate et partagée qui donne un lien social différent.

J.DELORENZI ajoute que MELMAN propose aussi quelque chose dans son livre : il ne s’agit pas seulement d’aller dans le mur mais que le deuil à partir d’une perte réelle et irrémédiable, permet aussi quelquefois de rebondir.

J.P.BOYER : la perte peut aussi se décompenser chez la personne âgée dans la démence.

Pour J. DELORENZI la résistance c’est peut-être un dialogue entre psychiatrie et modernité sans juxtaposition d’absolus qui s’excluent.

M.BOUDET revient à la notion de pouvoir : A qui appartient le pouvoir à l’hôpital ? Nous savons tous qu’il y a des alliances, des corporatismes etc… C’est encore plus compliqué à l’hôpital général quand il y a des glissements de moyens comme à ST GIRONS où les infirmiers psy se retrouvent à travailler aux urgences. Michel considère qu’il y a une forme de soumission, d’abattement et la nouvelle gouvernance ( direction divisée en trois Médical, administratif et paramédical) ne mène à rien.

Joëlle / Il ne peut y avoir que des îlots de résistance car le danger c’est que le savoir constitué, par rapport au savoir qu’on nous oppose, est tellement fascinant qu’il risque de nous englober. Il faut donc faire des petits barrages.

Madeleine BERNARD, quant à elle, n’a pas de doute sur le pouvoir à l’hôpital. Pendant quinze ans il n’y a pas eu de possibilités pour que la psychiatrie emménage dans le nouvel hôpital, puis d’un seul coup, à la faveur du départ du directeur, on apprend le déménagement de la psychiatrie pour 2009, ce qui coûtera une fortune dans les vieux locaux ! Dans ces conditions la position de doute revendiquée par les psychiatres, est une position de faiblesse mais c’est la seule position possible pour des psychiatres qui se respectent.

Pour J. DELORENZI la génération des 30/40 ans est avide de certitudes et surtout, elle ne veut pas se compromettre dans le Transfert. Elle raconte ainsi qu’un jeune confrère pratique l’hypnose car, ainsi, dit-il, « j’échappe au transfert. » Mais dans le même temps, la demande aux psychanalystes est de plus en plus forte pour être débarrassé de quelque chose.

Les associations de parents d’enfants autistes ont beaucoup évolués. La méthode TEACH coûte très cher :1 100 euros pour une association et 900euros par famille. Les parents veulent être plus efficaces et du coup demandent plus de classe de CLIS et d’ UPLI. Mais le souci économique nous renvoie à la folie en prison. Il y eut autrefois 40 000 patients morts dans les hôpitaux psychiatriques. Après cette extermination « douce » nos aînés se sont retroussé les manches, mais aujourd’hui les fous meurent en prison et sur les trottoirs : un fou coûte 10 fois moins cher en prison qu’à l’hôpital. « N’oublions pas que nous aurons des comptes à rendre ! »

La discussion s’échauffe autour des moyens octroyés ou non pour faire du bon travail en prison, dans certains établissements les directeurs sont eux-mêmes inquiets et veulent se rendre au Centre National de Gestion ( Draguignan) les gisement s d’activités sont contributifs des contrats de retour à l’équilibre mais on ne peut pas faire de bénéfice, il faut faire des économies. Selon le chef de service de Briançon le budget décloisonné est peut être une solution mais il pense que la personnalité du chef de pôle comptera pour beaucoup. Il faut transmettre ! les îlots de résistance font penser à la révolution minuscule de Jankélévitch.

A Thionville on a ouvert 22 lits pour 85 000 habitants mais SANS budget de fonctionnement. C’est la zone la plus pauvre de France et les psychiatres ne savaient même pas que tout ça se faisait par redéploiement du personnel !

En Bretagne, Yann TARDIVEL rappelle que la résistance individuelle a été très mal supportée par un collègue qui a fini par démissionner. Les politiques renvoient toujours à la « raison économique », mais le seul moyen de résistance c’est la CLINIQUE.

Mais la transmission est bien difficile quand les internes vont 4 semaines en C.H.U, d’autres fois le travail clinique est embolisé par les réunions administratives, les normes de sécurité etc…Il faut ramer ! La clinique de Laborde n’existera plus lorsque OURY va disparaître ( voir le livre de OURY : A quelle heure passe le train » C’est un livre d’entretiens avec OURY dans lequel on peut lire cette phrase « l’hôpital est le lieu où s’exprime le meilleur de la compétence et de l’humanité »

Les questions fusent :

La question du sang contaminé et du principe de précaution et de la surveillance administrative est, peut-être, passée par là ?

Quelle est la portée de la résistance individuelle autre que la cohérence interne qu’elle permet ?

Comment résister avec la nouvelle gouvernance quand le responsable n’a aucun pouvoir et que le nouveau directeur est parfois le conseiller de l’U.M.P, dans ce cas la résistance passerait-elle uniquement par l’absence des médecins en C.M.E (Comité Médical d’Etablissement) ? surtout quand il n’y a aucune transparence dans les projets de l’hôpital..

La résistance devient très difficile et il y a risque de repli sur soi de certains secteurs. Lorsque les infirmiers sont à l’extérieur cela fait moins de recettes pour l’hôpital et du coup il devient plus intéressant d’hospitaliser que de garder en extra-hospitalier.

Avec l’installation de la T2A on s’aperçoit que lorsqu’une activité marche trop bien, on baisse le tarif de l’acte. En psychiatrie le CATTP a des tarifs à la semaine alors qu’en extra hospitalier c’est une cotation à l’acte. On voit apparaître la comptabilité de tout : appels téléphonique et le temps passé. Dans d’autres endroits les items comme les A.A sont enregistrés de manière nominative ce qui permet d’étudier la charge de travail individuel, ce qui permet la mutualisation des moyens.( ex : si l’A.S  vient une matinée elle voit 4 patients.)

Aujourd’hui nous voyons un glissement du social de la santé et du médico-social il y aurait 190 000 salariés pour 200 000 lits, on fait donc un emprunt au secteur privé de management et de gestion : loi à venir : HPST ( hospitalisation, patients, santé, territoire)

Mais dans tout cela il ne faudrait pas oublier la place des patients ou de ceux qui sont censés les représenter. C’est de l’ordre de l’image et de l’opinion publique car c’est elle qui fait bouger les choses, exemple de l’accès aux neurosciences après celui de la psychanalyse qui serait plutôt détenue aujourd’hui par les psychologues ?

Quand on parle de la classification des hôpitaux avec indice de satisfaction, il ne faudrait pas oublier de participer à l’accréditation pour veiller au grain ? Mais au fond quelle est notre relation avec les usagers ?

A ORSAY il semble que cela marche plutôt bien avec des représentants de l’UNAFAM par exemple ou des amis de l’atelier qui montent des projets.

Cet organisme semble bien présent dans différents lieux : «  ils sont très à l’écoute des missions que le service public ne peut plus assurer » Ils vont voir en Italie ce qui se passe pour les psychotiques et leurs familles. Programme pro-famille fait par eux pour informer les familles, «  groupes d’entraide mutuelle ».

En ce qui concerne les psychologues il y avait, historiquement deux diplômes possibles : psychologue clinicien ou psychologue social. La faculté a séduit les étudiants en les entraînant vers des filières plus spécialisées telles que : enfant/ados, neuropsycologie etc… sous prétexte de trouver plus facilement du travail…..

La reprise du terme d’usager fait bondir certains : J DELORENZI « il y a dérive sémantique du totalitarisme » l’usager ne peut pas devenir l’équivalent du patient . Et si le patient se présente lui-même comme usager cela voudrait dire qu’on ne peut pas dialectiser or, c’est aux soignants de résister mais sans l’amener à dire ce qu’on veut….

A La question : «  est ce que les petits déplacements ne peuvent pas être le moyen de résister ensemble ? »

La réflexion de fond amène à considérer le cas du travail en pédo-psychiatrie où les soignants sont sollicités par beaucoup de gens extérieurs au soin : les familles, l’école qui réclame parfois un carnet de liaison avec le lieu de prise en charge de l’enfant. On demande beaucoup d’informations sur l’enfant lui-même, il faudrait presque « parler le sujet qui ne parle pas » et la question est toujours à quel moment parle t-on ou non ? Il faut une vraie formation et la notion de secret partagé est très intéressante …

On peut faire le calcul de la résistance d’un matériau en physique. La résistance c’est la contrainte maximale qu’il peut supporter, la déformation maximale par la formation des vents, la résistance aux vibrations de toutes sortes (cela fait étrangement penser à la psychose), on parle aussi de résistance à la fatigue, aux fissures, c’est aussi la mesure de l’élasticité ( par ex capacité à encaisser une certaine mobilité sans changer de cap.) C’est aussi la capacité à résister à l’embrasement et à la contagion et les vieux seraient plus résistants aux changements ( ce sera certainement plus facile avec les générations futures qui veulent « virer » les aînés) on utilisera pour cela l’évaluation des pratiques professionnelles.

En psychiatrie tout tient parce que les individus ne sont pas interchangeables. Aujourd’hui on arrive à une dé-subjectivation, non du patient, mais de soi-même dans une sorte de vertige. Quand tout le monde et chacun vaut 1 pour 1 on arrive à une EGALITE SANS FRATERNITE.

Hitler disait :  « ein volk, ein land, ein führer » Kressman TAYLOR dans son livre « Inconnu à cette adresse » fait référence à cette phrase et au glissement d’un sujet qui ne « débande » plus et reste dans une jouissance absolue. La phrase d’Hitler est une véritable offre d’une érection absolue et infinie, moyennant quoi on peut faire n’importe quoi y compris le sacrifice de quelques uns.

Les « qualificateurs » sévissent partout et pas seulement à l’hôpital car c’est la Haute Autorité de Santé qui à le savoir donc le pouvoir.

Mais un livre « Seul dans Berlin » montre bien comment, même en Allemagne il y eut des gens qui résistaient. Il s’agit d’un ouvrier allemand qui croit au nazisme et son fils meurt au front, il se met alors à écrire des cartes postales dans tout Berlin pour dénoncer Hitler.

La Résistance c’est aussi récupérer le temps pour soi car il faut mobiliser les énergies de ceux qui veulent te faire céder ( voir aussi « Galilée, Galiléo »  de Brecht : il refuse d’aller au bûcher mais travaille la nuit et donne son travail à son disciple pour passer les frontières et faire éditer son travail.)

On peut voir comment le texte de l’ANAES qui impose la visite du médecin en chambre d’isolement 2 fois par jour, ce texte donc, s’est substitué à une loi qui n’existe pas : l’enfermement pour cause médicale. Il est à souligner que le texte de l’ANAES a été écrit une année où il y avait eu 20 ou 30 morts en chambre d’isolement. Voir le rapport de Philippe Claudel.

Pour finir sur une note plus optimiste on nous recommande d’aller voir un film sur la « folie » qui s’appelle «  la frontière de l’aube » et finissons par une citation de Philippe Garrel : « Le dilemme de l’art, c’est dire la vérité, cerner la brûlure, sans violer la morale, sans révéler ce qui appartient à d’autres. »

 

Rapporteur :

R.M.GLATZ Psychologue
3ème secteur de psychiatrie infanto-juvénile de l’Essonne (Hôpital Sud-Francilien )
C.M.P. de Corbeil-Essonnes

 
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