- Compte-rendus
MALAISE DANS LA PSYCHIATRIE – QUELLES ISSUES ?

Le débat est introduit par le Dr Joëlle DELORENZI qui rappelle l’importance « de la résistance » dans le débat psychiatrique. Elle pense que c’est comme une « machine de guerre » qui est en mouvement et comprend l’ambivalence qui peut exister dans nos positions, comme par exemple par rapport à l’accréditation où, à la fois, on se plaint de ces choses là, mais à la fois on y voit un moyen d’échapper à la psychose.
Elle rappelle que le médecin a accès à des secrets.
Propose de reprendre les choses à travers le travail de Philippe PIGNARE, de KLEMPEREUR et de Marcel CZERMAK.

Le débat est ensuite ouvert par Michel BOUDET :
« on a renoncé à être des artistes ; pour la psychiatrie on est acteur et spectateur, quand on parle de malaise il est difficile de savoir la part d’objectivité et de subjectivité. Il semble que 20 ans après je travaille mieux. Il y a moins de hiérarchie, les équipes sont plus diversifiées. Il y a plus de psychologues, on discute plus. Le renouvellement est facteur de dynamisme. Dans le service on a des internes qui disent qu’ils apprennent mal en CHU et qu’ils préfèrent venir ici.
Il est vrai que certaines pathologies sont modifiées, en particulier avec l’apport de toxiques et ça donne des troubles du comportement. Les infirmiers font plus de « recadrage ». Le métier est parasité par le sécuritaire. Mais les sens de nos activités persistent, c’est peut-être comme une résilience. Quand on est au niveau de l’équipe, de la rencontre, la techno structure n’existe pas. On essaie de diversifier l’équipe. On a transformé, avec l’accord de tous, un poste infirmier en poste de psychomotricien. Il y a de l’intérêt à multiplier les compétences ».
La salle réagit alors, en particulier avec l’équipe d’Orsay.
Un éducateur a été embauché car il était impossible d’embaucher une infirmière par manque de candidature ( il y a seulement 8 infirmières titulaires sur une équipe de 17).

Pour Agnès PIERNIKARCH les conditions de travail depuis 20 ans sont devenues plus confortables.
Mais il faut se souvenir que le concept « de santé mentale » a été formulé par des collègues psychiatres. Il est vrai aussi que le déni de la folie et de la psychiatrie peut satisfaire les pouvoirs publics. Mais il y a aussi les positions dites « anti-psychiatriques » moins d’hospitalisations, moins de lits. Tout ça a été repris par les pouvoirs publics dans les objectifs budgétaires.
Enfin notre position est la même que chez les autres corps du service public. A l’hôpital il n’y a pas de place. Pour les magistrats c’est la même situation.
Les objectifs budgétaires procèdent d’une idéologie gestionnaire. Elle atteint maintenant la médecine.
Quant à la démarche qualité elle émane d’abord de l’industrie.

Sophie THIEVRE pense que c’est à présent moins confortable de travailler comme infirmier. Le salaire n’est plus attractif par rapport à la charge de travail, il n’y a plus de respect du travail infirmier.

Catherine AURIAC trouve que le travail est parfois plus facile, mais les patients nous réveillent, ainsi les états limites sont à la recherche de nos limites. Ils repèrent nos failles. Ils sont de véritables « psychologues institutionnels »

Béatrice FRANCK questionne : « n’importe quel professionnel peut-il prendre en charge en santé mentale ? faudrait-il des spécialités » ?
Avant il y avait tout un travail de restructuration de la personne sur plusieurs mois. Maintenant les patients sont re stabilisés et remis dans le circuit.

L’équipe de Thionville pense que l’on « est de plus en plus parasité par le médico-légal ». Le personnel a peur de prendre ses responsabilités. Certains en arrivent, quand quelqu’un a mal à la tête, à donner un Doliprane sans le noter pour éviter d’être responsable.

Le Docteur PANETIER rappelle que le Dr DESCOMBEY à Annecy (1994) avait parlé des problèmes de la disparition des Infirmières de secteur psychiatrique, des internes et des orientations dans l’enseignement universitaire.
Il évoque l’histoire d’un secteur qui n’était pas « à la norme » qui n’assurait pas ses missions de service public. Des années après on en mesure encore les répercutions il y a une « réputation » et des répercutions sur la file active. C’est le Dr MASSE qui avait parlé des secteurs comme de « petits marquisarts» sur lequel régnait un chef de service. Ces services existent toujours ; entre la liberté des orientations et les obligations de service public, il faut trouver un équilibre.
On connaît ces secteurs où certains peuvent dire à propos de certains types de patients « celui-là je ne le veux pas ». Alors, peut-être qu’un minimum d’évaluation sur le travail fait est peut être souhaitable.

Le Docteur DELORENZI reprend en disant qu’il faut laisser les professionnels faire leur travail. Il y en a qui sont capables de montrer le chemin. Mais attention à la chasse aux brebis galeuses, la haine est toujours le fait de supposer que l’autre n’a pas de savoir.
Elle évoque ensuite les cadres qui n’ont pas de formation psychiatrique, voire de formation soignante. Il a même été dit que certains viennent de « l’industrie ».

L’équipe de Martigues réagit et se demande pourquoi il n’y aurait pas de cadres qui viennent d’autres horizons, filière ergothérapie ou filière psychomotricité. Leur formation de base est celle d’un travail auprès du patient, on peut être un bon soignant et ne pas savoir gérer une équipe ou l’inverse.

Le Docteur BOUDET évoque les médecins généralistes qui sont recrutés mais qui font des formations de psychiatre. Encore une fois on voit que la pluridisciplinarité se développe.

Le Docteur PIERNIKARCH se demande si rendre des comptes à la puissance publique n’est pas la même chose que d’accepter les règles du marketing. En fait il faudrait s’interroger sur l’organisation des soins. A l’extrême on pourrait se dire que la fermeture des lits a fait que les médecins se sont « arrangés » pour travailler le moins possible. Ce n’est pas acceptable. L’utilisation du discours sur la fermeture des lits a abouti à des structures où il n’y a pas assez de lit et cela peut être « confortable ». On a alors des difficultés à hospitaliser les enfants ou les adolescents sans leur consentement. On aboutit à des situations « d’externisation ».

La salle aborde l’évolution du cadre infirmier en cadre de santé. On peut être bon soignant, mauvais cadre. Après c’est plus facile d’avoir un supérieur hiérarchique qui soit issu de la même formation que moi.
On a pu dire que le cadre c’est pas celui qui fait, pas celui qui fait faire, mais celui qui aide à faire.
Avant le cadre était « surveillant » on attendait de lui une expertise.
Maintenant les cadres sont devenus inter changeables, ils vont d’un service à l’autre.
On a dit aussi que les cadres étaient les porte paroles de l’administration.
L’inter changeabilité passe par la transmission des problèmes de la formation par les anciens.

Le Docteur DELORENZI rappelle que les anciens ouvriers apprenaient leur travail en regardant leurs aînés travailler.
Ainsi sa grand-mère qui disait « je leur ai volé le travail ».
Parfois il faut faire attention aux certitudes qui entravent le travail.

 

Rapporteur :

Dr Jean-Paul BOYER
CHI de FREJUS SAINT-RAPHAEL

 
Session 2007 : Programme et textes