Bipolarite parlons en !

Mercredi, 06 Juin 2012 00:00 Jean-Paul BOYER
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(Cycle de formation 2012, du 3 au  9 juin 2012 à COLLIOURE - 66190)

Thème préparé par: Dr Jean Paul BOYER

Notes de l'atelier rédigées par : GLATZ Rose-Marie

 


 

BIPOLARITE ... PARLONS-EN !

L’intérêt de ce sujet c’est que l’on y met ce que l’on veut…

Il est vraisemblable que l’état maniaque, depuis toujours, a frappé les hommes : celui là qui était leur semblable brusquement devenait déraisonnable, animé des pires passions et pulsions. Du trajet ultérieur vers la dépression qui est sommes toutes fréquent, va naître le concept de psychose maniaco-dépressive, ce que tout observateur un peu fin pouvait diagnostiquer.

WILLIS au XVII siècle repère les cycles alternés.

PINEL parle d’évolutivité.

Avec ESQUIROL il est question d’accès.

En 1850 FALRET parle de « folie circulaire » et BALLARGER de « folie à double forme »

En 1882 KAHLBAUM crée le terme de « cyclothymie »

Pour MAGNAN en 1890 c’est la « folie intermittente » et pour BALLET en 1894 « la folie périodique »

Finalement, c’est KRAEPLIN en 1913 qui finalise le concept avec la notion de « folie maniaco-dépressive » (qu’il crée dans l’opposition à la schizophrénie « dementia praecox » évoluant vers un état déficitaire alors que la « folie maniaco-dépressive » maladie « affective » n’a pas cette évolution)

On se rappelle que ce qui soutend la psychose maniaco-dépressive (PMD) c’est l’humeur « disposition affective fondamentale, riche de toutes les instances émotionnelles et instinctives, qui donne à chacun de nos état d’âme une tonalité agréable où désagréable, oscillant entre les deux pôles extrêmes du plaisir et de la douleur » ( J. DELAY).

Et on se rappellera aussi que « humeur » découle du latin « humor » qui veut dire liquide.

Arrivé à ce point, on est dans ce que j’appellerai la « période classique » de la PMD comme par exemple on la trouve décrite dans l’œuvre de H.EY .

ALAIN EHRENBERG (« La fatigue d’être soi » et JFP n°8 ) «Je crois qu’il y a grossièrement deux lignes. Dans la ligne de JANET, on est du côté du mieux être, dans la ligne de FREUD on est du côté des pathologies de la liberté…

L ‘histoire de la dépression accompagne le déclin du type de personne que la fin du XIXéme siècle nous a léguée, personne dont la conduite est organisée par des normes de discipline, de conformité et d’interdits. La façon dont FREUD définit la psychonévrose de défense est une manière de désigner des problèmes résultants de telles normes. La façon d’appréhender la dépression aujourd’hui est une manière de nommer, y compris dans la plus grande illusion, des problèmes générés par une société dont les normes font appel à l’initiative personnelle (la question de l’action se substituant à celle de l’obéissance) en enjoignant chacun de devenir seulement lui-même (c’est la question de l’identité). La dépression se présente comme une maladie de la responsabilité dans laquelle le sentiment d’insuffisance domine celui de la culpabilité) …

Il me semble qu’on est passé de ce qu’on pourrait appeler l’homme scissionnel, parce qu’il est atteint de la pathologie de la division - c’est FREUD -, à l’homme fusionnel. Si le premier souffre d’un excès de distance à soi – il peut se diviser jusqu'à la folie -, le second souffrirait plutôt d’un manque de distance » à lui même - il est dépendant jusqu’à la fusion, avec l’héroïne, la nourriture ou le partenaire sexuel. »

A la fin du XX ième siècle, la dépression devient la pathologie psychiatrique prépondérante.

A présent, il n’est plus question que de « troubles bipolaires » Pourquoi ? Il est difficile de le dire. S’agit-il d’un nouveau chapitre comme celui de la dépression a été ouvert il y a quelques années ? S’agit-il seulement d’un paragraphe du chapitre dépression, on ne peut pas le préciser à ce jour.

Pour comprendre en partie il faut passer par l’histoire des classifications.

Dans la psychiatrie classique il y a un souci de rassembler une série de symptômes au sein d’une entité pour décrire une maladie. Les détails, l’atypique n’est pas retenu (et cette maladie est décrite par le Docteur UNTEL dont on peut consulter les écrits) Après peut être que l’espoir était de retrouver une étiologie à cette maladie pour pouvoir la traiter comme par exemple ça a été le cas dans la recherche des localisations cérébrales (ce qui a conduit sur le plan psychiatrique a un échec)

Dans les décennies suivantes, on s’est aperçu que les grandes pathologies ne renvoyaient pas à la même chose dans les différents pays : les diagnostics ne coïncidaient pas d ‘un pays à l’autre !

On arrive aux classifications.

Au départ, et on va être dans une visée statistique, il s’agit de faire une liste de critères non limités qui vont repérer un syndrome permettant de faire des classements dans des groupes de malades.

La puissance de l’Association Américaine de Psychiatrie va imposer la classification :

Le MANUEL DIAGNOSTQUE ET STATISTIQUE DES TROUBLES MENTAUX ou DSM de l’APA.

Le DSM I dérive de la CIM 6 (Classification Internationale des Maladies) de 1952 nettement marqué alors par l’aspect réactionnel (le trouble mental représente une réaction de la personnalité à un facteur psychologique social ou biologique)

A partir du DSM III les choses vont être révisées et on va devoir répondre à la commande : soyez clair dans vos classifications si vous voulez que l’on recherche des réponses pharmacologiques ; il y a donc un effort pour qu’un nombre non exhaustif de symptômes soient rassemblés en troubles.

La CIM 6 comportait

-10 catégories de psychoses (dont PMD)

-9 catégories de psychonévroses

-7 catégories pour troubles de la personnalité, du comportement et de l’intelligence

Le DSM III R (1) :

-troubles bipolaires 3 sous catégories soit 5 items

-troubles dépressifs 3 sous catégories

Le DSM IV (1)

-troubles bipolaires 6 sous catégories dont 13 items

Enfin H. AKISKAL dans la préparation du DSM V (2) propose pour les troubles bipolaires 6 sous catégories.

Cette inflation est due en partie à un détournement d’utilisation du DSM qui au delà de la démarche statistique devient un outil descriptif (utilisé en particulier par les assurances pour les remboursements)

Actuellement, on peut penser que le trouble bipolaire intéresse car il est proche de la dépression, qui en est une de ses parts, et que de venant de la PMD il est ancré dans le biologique ( la PMD ayant toujours été considérée comme endogène)

La bascule sur l’utilisation des normo thymiques où plutôt des antipsychotiques de 2ème génération (en dehors de raisons commerciale) en est une illustration : la dépression si elle est de type bipolaire doit être traitée par des antipsychotiques, l’utilisation d’antidépresseurs assombri même le pronostic.

Difficile de savoir ce que l’on pourrait retirer du mythe du Dr Jekyl et de Mister Hyde comme prototype dans l’engouement actuel pour les troubles bipolaires : du cyclique, de l’euphorie après la plongée dans la tristesse, de l’inconnu et de la fascination pour l’esprit humain ?

Pour FREUD, la PMD est une psychonévrose narcissique (qu’il oppose aux psychonévroses de défense ou de transfert – les névroses habituelles)

Au stade du narcissisme primaire l’objet d’amour et le moi ne font qu’un.

Habituellement la libido est tournée vers les objets et une partie vers le moi (libido du moi) En cas de perte il faut faire le deuil de l’objet perdu (dont la libido arrive à se retirer, on est dans le deuil « normal »)

Mais si perte fait retourner jusqu’au narcissisme primaire où objet et moi sont fusionnés la libido va s’écouler sans fin et le moi se perdre (jusqu’au syndrome de COTTARD où il y a un « je ne suis plus rien »)

D’un autre coté pour le maniaque il n’y a plus de castration, rien que de la toute puissance. Le maniaque a peut être à voir avec « l’ascension jubilatoire » du stade du miroir première ébauche du moi constitué dans le jeu de miroir à la mère.

Est-ce que ces « jeux de miroirs » trouveraient une place dans la société actuelle ?

DOCTEUR BOYER JEAN-PAUL

CHI de FREJUS SAINT RAPHAEL

Mise à jour le Mercredi, 04 Juin 2014 09:43