SEXUALITE ET HANDICAP

Mercredi, 05 Juin 2013 09:15 Jean-Paul BOYER
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(Cycle de formation 2013, du 3 au  9 juin 2013 à La Roque d'Anthéron 13640)

Thème préparé par: Jean Paul BOYER

Notes de l'atelier rédigées par :Rose Marie GLATZ

Vidéo projetée : "On n'est pas des anges, vie affective, sexualité et handicap"

(http://www.canal-u.tv/video/service_tice_universite_pierre_mendes_france_grenoble_2/on_n_est_pas_des_anges_vie_affective_sexualite_et_handicap.10113)

 


 

SEXUALITE ET HANDICAP

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Ecoutons ce qui se dit dans le cadre d’une enquête nationale ( in Dossier Croix Rouge 25 mars 2011) :

Un usager parle : « nous sommes à domicile (en institution), notre sexualité nous appartient ». Un autre « notre incapacité physique de passer à l’acte arrange bien les professionnels ». Un troisième : « les usagers ont des droits, mais dans le concret nettement moins ». Un professionnel : « un usager est venu me voir au sujet de sa bisexualité . Il m’a demandé « qui dois-je choisir ? Je l’ai renvoyé vers l’infirmière. Une maman : « dans le précédent foyer, il avait rencontré une fille, on était très inquiet pour la protection. Mon mari lui en a parlé. Le problème c’est qu’il est assez malin pour trouver une copine. Cela nous inquiète beaucoup par rapport à la parentalité, car après se sont les grands parents qui devront assumer l’enfant. Avoir des copains et des copines, d’accord, mais des enfants ? On a demandé la mixité dans l’établissement, mais reste une crainte même si l’on sait que les professionnels font tout ce qu’il faut ». Un autre professionnel indique : « nous avons une résidente qui fait très petite fille avec ses parents, mais qui est très émancipée sexuellement dans le foyer. Quand il a fallu mettre en place une contraception, les parents sont tombés des nues ; ils n’en voyaient pas la nécessité ». Un autre professionnels parle : « il est difficile de faire la part des choses entre le positionnement de l’institution et les valeurs personnelles. Par exemple, face à l’infidélité, face à l’homosexualité, les valeurs personnelles sont mises en cause. On ne réagit pas tous de la même façon ».

Que dit la loi ?

En institution médico-sociale la loi de 2002 (Loi rénovant l’action sociale et médico sociale) indique que la règle est la liberté comme dans le reste de la société.

Dans la société on est libre de ses orientations sexuelles ; on est libre d’avoir des relations sexuelles avec une personne qu’on aime ou qu’on n’aime pas ; on est libre d’avoir une contraception ; on est libre de mener une grossesse, d’avoir des enfants ou si on ne peut avoir d’enfants, de mener des démarches comme l’adoption ou la procréation médicale assistée, dans les limites posées par la loi ; on est libre de vivre en couple, concubinage, PACS ou mariage.

Du point de vue juridique amour, sexualité et vie en couple ne sont pas liés. Pour se marier on n’a pas besoin de s’aimer (c’est depuis le XIXème siècle qu’on s’aime

dans le mariage).

D’où le problème des positions personnelles dans toutes ces affaires.

Deux handicapés ont le droit par exemple d’avoir des relations sexuelles même s’ils ne « s’aiment pas ».

Et même quand on est sous tutelle, on conserve aussi ses droits dans le domaine de la vie affective et sexuelle (sauf sur le plan sanitaire : le tuteur doit intervenir pour une contraception ou une IVG, par exemple, ce qui pose la question de l’intimité du handicapé vis-à-vis de son tuteur)

Après il existe trois limites à l’expression de tout droit et de toute liberté :

- respect de l’ordre public (de ce qui est sanctionnable légalement)

- il est nécessaire de protéger les personnes vulnérables (non assistance à personne en danger)

- intervenir quand la personne met en danger quelqu’un d’autre.

Quelles sont les représentations ?

La naissance d’un enfants handicapé est vécu comme punition, blessure narcissique majeure pour les parents. Les réactions de rejet, de clivage sont habituelles. Dans notre société soucieuse d’efficacité et de plaisir, le handicap vient trop rappeler la défaillance et l’incomplétude de la condition humaine.

De plus cela vient faire écho à la sexualité faute et il n’est pas question qu’il puisse y avoir transmission, il n’est pas question que le handicapé puisse avoir une sexualité.

Il y a plus de vingt ans Alain GIAMI a écrit « L’ANGE ET LA BETE » sur les représentations de la sexualité des handicapés mentaux chez les parents et les éducateurs.

Michel FOUCAULT dans son séminaire de 1974-1975 montre comment la famille des « Anormaux » (ancêtres des handicapés mentaux) s’est constituée à partir de la figure des :

- monstre humain exception de la nature

- individu à corriger, d’où la création des maisons de redressement

- onaniste, la sexualité infantile est une matière à éduquer, la sexualité infantile est source de maladie (et les parents sont responsables s’ils n’ont pas assuré cette éducation).

C’est ainsi que naît un modèle bipolaire de la représentation de sexualité des handicapés mentaux :

- soit ils sont des « anges » et ils n’ont pas d’activité sexuelle

- soit ils sont des « bêtes » et leurs sexualité n’est contrôlable ni par eux, ni par leur entourage.

Handicap et Sexualité

Le sujet handicap et sexualité est souvent traité sous l’angle du regard extérieur. Par exemple, on a vu ce que pouvait en dire la loi ou ce qu’en pensaient parents ou éducateurs.

Mais quelle est la sexualité du handicapé ?

Le handicapé qui a des difficultés dans son schéma corporel connaît aussi ces difficultés dans l’exercice de sa sexualité. Les fixations sur les théories sexuelles infantiles sont fréquentes : fécondation par baiser sur la bouche ou accouchement par le nombril par exemple (enfin on pensera aussi à toutes les difficultés physiques que peut induire un handicap physique).

Toute personne a une libido, des pulsions, qui vont s’exprimer en fonction de la « maturation » du schéma de l’organisation sexuelle et de la capacité à

structurer une relation à l’autre. On peut imaginer un autre fusionnel d’une relation qui serait toujours infantile précoce où un autre pas vraiment constitué d’une relation psychotisée ou des relations marquées par des modes de cicatrisation névrotique avec autoculpabilité surmoïque ou quête sexuelle ouverte.

C’est ainsi que semble se décrire en institution :

- des manifestations affectives : se donner la main, se faire des bisous, c’est mon copain, c’est ma copine…

- les pratiques sexuelles seraient surtout autocentrées avec la masturbation (et chez certains polyhandicapés recherche de contact « sexualité de sensation »)

- la vie sexuelle « partagée » n’est pas la plus fréquente (et plutôt pour les handicaps moins importants) parfois hétérosexuelle, parfois homosexuelle, parfois multipartenaire.

- la mise en couple est encore moins fréquente,

- parfois comportements sexuels « malsains » : prostitution, auto ou hétéro-agressivité…

Le pédopsychiatre Roger SALBREUX dit même que la dépendance crée un climat incestuel « avatar de la séduction narcissique de la mère par son enfant, lequel , en restant éternellement petit, par la suite de son handicap et de ses faiblesses, ne peut plus provoquer la distanciation nécessaire et habituelle à l’éducation de tout enfant ». L’handicapé reste un éternel enfant et on ne sait plus bien où sont les rôles de la mère et de l’amante par exemple.

Le pédopsychiatre Jacques SARFATY repère deux points importants.

D’abord la question de l’intimité, et l’intimité fait partie de la sexualité. Dans le couple même la sexualité n’est pas forcement parlée et le focus mis sur la « sexualité du handicapé » a sans doute le même effet perturbant que si l’on interroge un couple « et votre sexualité ? ».

Deuxièmement, c’est la question du fantasme : ce que dit le handicapé que l’on interroge renvoie au fantasme de la personne, au fantasme du handicapé. Il y a une différence entre le fantasme sexuel et la sexualité pratiquée. En ce sens le fantasme est le rêve, l’objet à atteindre, insaisissable.

Notre désir nous est caché c’est FREUD qui le montre. Nous pensons que l’autre a l’objet perdu de notre désir, objet qu’il n’a pas puisque il est dans la même position que nous, pris dans la chaîne du langage, c’est LACAN qui l’explique.

Tout cela fait une relation avec l’autre, à travers la sexualité, complexe et faite de non rencontres. Ceci est valable que l’on ait un handicap ou pas.

Docteur BOYER JEAN-PAUL

CHI de FREJUS /SAINT RAPHAEL

 


Mise à jour le Mercredi, 04 Juin 2014 09:45