L'AUTONOMIE, construction et limites

Mercredi, 05 Juin 2013 07:47 Eric JULLIAND
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(Cycle de formation 2013, du 3 au  9 juin 2013 à La Roque d'Anthéron 13640)

Thème préparé par: Eric JULLIAND

Notes de l'atelier rédigées par :

 

L’AUTONOMIE : CONSTRUCTIONS ET LIMITES

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Introduction

Le sous titre, donné à la hâte l’an dernier est inutile ; pire même, c’est un pléonasme, puisque le mot autonomie renvoie à la notion de limites. Le préfixe auto signifie qu’elle ne viennent pas d’ailleurs.

Ce processus est l’essai et la capacité d’un sujet ou/et d’un groupe à trouver-créer ses règles de fonctionnement. Il est en lien avec le thème traité hier, car c’est aussi un processus, et parce qu’il concerne l’articulation entre sujet et groupe.

Cornelius Castoriadis, m’a servi de référence. Il traite de cette question dans le tome IV de son livre Les carrefours du labyrinthe, tome intitulé Un Monde Morcelé. Ce philosophe grec, enseignant à l’EHESS, fondateur du groupe « Socialisme et Barbarie », a réfléchi sur la politique, les idéologies du XXème siècle, comme le marxisme, les totalitarismes, et aussi dans le domaine des sciences sociales, à la psychanalyse. Critique du lacanisme, il fut le mari de Piera Aulagnier, et participa à la fondation du IV° Groupe en 1969, une société de psychanalyse. Il était aussi psychanalyste.

L’institution d’une société, c’est la création originaire d’un collectif anonyme qui dépasse la production des individus ou de la subjectivité : Ce n’est pas un seul, ni un plus un plus un, mais un processus qui articule la psyché d’un sujet à son groupe : rencontre entre la monade psychique de l’infans et les productions sociales qui lui préexistent, dans une organisation qui leur donnent sens tout au long de l’existence. Je dirais que c’est un couple qui enclenche un mouvement circulaire, vertueux ou vicieux. Couple au sens physique du mot : deux noyaux producteurs de forces. Cette construction d’un « social-historique » n’est pas un face à face intersubjectif, car il faut y intégrer les dimensions de la temporalité et celles de l’imaginaire. La société autonome aura à proposer une institution, des lois donc, et une capacité de s’altérer et de créer du nouveau, dans le projet de vivre ensemble, avec des projets.

L’institution n’existe que par ses membres, qui la forment et la transforment : la société fait les individus qui font la société…Le service de psychiatrie est fait par les soignants qui font le service et le font être. Ce n’est un service que par ce que l’on y fait. On pense à la question connue d’Oury : « Qu’est ce que je fais là ? »

Dans les sociétés hétéronomes, qui sont les plus fréquentes, les individus ne peuvent rien changer, sauf dans la transgression, ou la pathologie. C’est ainsi que la filiation productrice de soumission, d’allégeance à un seul, - le père ou Dieu le père - est un système qui produit de l’hétéronomie.

On se demande comment le bébé vagissant et agité devient-il un individu social ? Comment est-ce possible ? Comment l’institution s’impose t elle à la psyché ? Comment les sociétés évoluent-elles ? C’est un processus conflictuel, avec des avancées et des reculs.

La psyché est contrainte d’abandonner ses objets et son monde initial et d’investir d’autres objets et d’autres règles qui sont instituées. Pour que cela se passe, il faut que l’institution offre du sens en échange de la satisfaction immédiate. Le petit monstre devient individu social parce que la pulsion sexuelle se sublime en curiosité intellectuelle et tentative de comprendre le monde. L’esprit humain est condamné à investir (P Aulagnier) : le corps, la psyché, le monde extérieur.

 

 

Idéalement, dans la société autonome, on pourrait croire que le pouvoir d’éducation s’exercerait sans domination évidente, par la conviction, par un « infra-pouvoir absolu ». Il n’en est rien. Toute société fabrique des forces de maintien de l’ordre. En plus d’un pouvoir législatif et d’un pouvoir exécutif, un pouvoir judiciaire et un pouvoir gouvernemental doivent s’expliciter et apparaître. D’où des entraves constitutives à l’utopie autonome :

Première limite, la société ne parvient jamais à exercer son infra-pouvoir absolu car la psyché résiste.

Deuxième limite, l’infra-pouvoir radical de l’institution est limité par l’instituant qui le force à réfléchir, et mine en quelque sorte son pouvoir de l’intérieur. Il y a un inventaire sur l’héritage, et ce pouvoir est lui-même un imaginaire. C’est le pouvoir d’un champ social, de Personne… Par exemple, le langage n’appartient à personne, est arbitraire. Il s’impose à chacun comme ordre symbolique, et il se transforme, comme nous le montrent les nouveaux mots ajoutés chaque année au dictionnaire.

Même dans les sociétés traditionnelles, où la tradition fabrique de la répétition, on constate une usure, Contrairement au discours de Sarkozy à Dakar (rédigé par Guaino), tous les Hommes ont une histoire, même les Africains !

Troisième limite, toutes les sociétés s’organisent pour lutter contre l’aléa, contre l’absence de sens. Elles buttent contre la mort, contre le mystère des origines. Cela fait la place de la religion, pour clôturer le sens. C’est aussi la fonction des mythes, la réponse des Hommes aux questions fondamentales : la vie, la mort. Y aurait-il des questions qui ne se posent pas ?

Quatrième limite, l’institution des autres, des voisins, menace toujours la survie de la notre. Le conflit contemporain entre les sociétés occidentales, comme l’harmonisation délicate des lois nationales dans l’union européenne en apporte un exemple.

Sous l’imaginaire social, coule de l’imaginaire radical : l’institué est travaillé par l’instituant. Il y a une poussée vers l’a-venir, vers le projet, au-delà de la simple conservation. Cette poussée du groupe est l’équivalent de la pulsion de vie : pulsion de liaison, d’annexion.

Mais la psyché est irréductible, est anarchiste au fond, même si elle est aussi malléable. Elle est un couple instable de pulsion de vie et pulsion de mort : liaison contre déliaison. Les deux en alternance. L’originalité de la psyché, c’est ce qui fait avancer le monde : les créateurs sont des transgresseurs, et ne sont pas des mortels comme les autres. La société s’en défend par la dénégation et l’attribution de la difficulté à une cause extra-sociale : les dieux, les héros.

Abordons une deuxième question : Pourquoi la démocratie est-elle née en Grèce ?

Pas de livre sacré, pas de prophètes chez les Grecs, mais des poètes, des philosophes, des législateurs.

La politique inventée par les grecs ce fut la mise en question explicite de l’institution établie de la société, ce qui supposait donc que pour eux, rien ou presque, n’était ni sacré, ni naturel, mais relevait de nomos. Le mouvement démocratique s’attaque au pouvoir explicite et vise à le réinstituer. Penser et discuter n’est pas l’affaire des rabbins, des mollahs ou des prêtres, de courtisans, mais de citoyens qui veulent discuter dans un espace public. C’est la création d’un mouvement : Si nous voulons être libres, nous devons faire nos lois. Personne ne doit nous dire ce que nous devons penser. La légitimité de la tradition sera donc interrogée. Est-ce que nos lois sont bonnes ? Est-ce que ce que je pense est vrai ? Comment le savoir ?

Sur un plan individuel, l’autonomie est la capacité d’un sujet de modifier son fonctionnement, de se donner de nouvelles lois par sa propre réflexivité. Faire circuler en soi ses représentations et ses affects plus librement suppose de pouvoir altérer les fonctionnements rigides antérieurs, lever des inhibitions. Bouger les lignes. « Là où était le ça, le moi doit advenir » a écrit Freud. C’est aussi un autre rapport entre le présent et l’histoire (histoire individuelle et grande histoire), permettant de rompre le circuit de la répétition. Mais Castoriadis ajoute que « là où règne le moi, le ça doit émerger ». Il ne s’agit donc pas de dompter les pulsions. Il y a toujours un reste, l’imaginaire radical comme dit Castoriadis, qui a trait à la vérité du désir inconscient. On l’observe chez nos « chroniques » qui se réveillent, chez les chinois et autres peuples soumis auparavant à des régimes totalitaires. Devenir autonome implique que l’on a investi psychiquement le désir de liberté vraie.

Il y a une face externe à ce processus : on n’est pas libre tout seul. Il faut pouvoir dire que la loi est injuste. Mais pour le penser, il faut avoir intériorisé que l’institution peut s’être trompée ; que sa vérité et son pouvoir peuvent être contredits.

Nous repartons pour un tour de piste, cercle vertueux s’il permet d’accroitre à la fois notre degré de conscience et notre liberté. Le point de vue de Castoriadis contredit alors celui de Freud, qui annonçait dans Le malaise dans la culture  un accroissement de la misère névrotique par le progrès de la civilisation. Castoriadis introduit avec le pouvoir instituant un contrepoids au Surmoi toujours plus fort. L’autonomie serait le remède au malaise.

Si l’on revient à la clinique, on pense à la démarche du psychanalyste : autonome, dans une psychanalyse qui essaye de le rester, qui n’est soumise à aucun maître à penser, inféodée ni à la médecine, ni à l’Université, ni à l’Etat par qui elle ne demande pas d’être reconnue (cf. le statut des psychothérapeutes). L’autonomie, au fond, est une démarche subversive, par les temps qui courent…

Discussion des points suivants :

1. DEFINITION

ETYMOLOGIE

HOMINISATION, CIVILISATION ET CULTURE

 

2. PROCESSUS ET PAS ETAT

L’INSTITUANT ET L’INSTITUE

LE RAPPORT A L’AUTRE :

ELABORATION COLLECTIVE EN POLITIQUE

ELABORATION INDIVIDUELLE EN PSYCHANALYSE

 

3. PROBLEMATIQUE DE L’INTERIORISATION

PROCESSUS INDENTIFICATOIRE SELON FREUD

LA FOULE ET LE CHEF : L’HYPNOSE

LA SEPARATION : CF. LA FIN DE LA CURE D’UN ENFANT PAR DENIS VASSE

Tuer le père dit-on… Au moins, mettre en question la loi paternelle. (Denis Vasse et l’enfant au chat)

4. LES LIMITES

SERVITUDE VOLONTAIRE ET DESIR D’ALIENATION

LA PULSION DE REGRESSION

DEMOCRATIE DIRECTE ET DEMOCRATIE REPRESENTATIVE

LE VOILE D’IGNORANCE DE RAWLS

LES TROIS METIERS « IMPOSSIBLES » : Freud, Castoriadis

L’AUTARCIE

5. EN PSYCHIATRIE

LA SERVITUDE

LES THERAPIES DE RENFORCEMENT DU MOI : PAVLOV&Co

CONSTRUCTION ET DECONSTRUCTION EN PSYCHANALYSE : LA CURE DE GREGOIRE

 


Mise à jour le Mercredi, 22 Janvier 2014 15:21