PSYCHIATRIE SOUS MAIN DE JUSTICE

Mercredi, 03 Juin 2015 09:27 Jean-Paul BOYER
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(Cycle de formation 2015, du 31 mai au  6 juin 2015 - GUETHARY - 64210)

Thème préparé par:Dr Jean-Paul BOYER

Notes de l'atelier rédigées par :


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PSYCHIATRIE SOUS MAIN DE JUSTICE

LA LOI DU 5 JUILLET 2011

 

 

 

EVOLUTION DE LA LOI

La loi du 30 juin 1838 : PO et PV

2 modes d’hospitalisation sans consentement : à la demande de l’autorité ou à la demande d’un tiers.

On retrouve la notion de trouble à l’ordre public.

Référence était faite à l’autorité administrative (le préfet prononçait un arrêté de sortie pour le PO).

 

Cette loi est reprise le 27 juin 1990 mais n’évolue qu’à la marge.

L’hospitalisation libre est reconnue comme mode principal d’hospitalisation

HO et HDT

Il faut 2 certificats médicaux pour une HDT ou alors un « péril imminent »


A partir de 2009, une réflexion est menée au ministère pour une révision de la loi de 1990. L’impression qui prévaut est que l’on va garder le cadre des lois précédentes.


Mais depuis 2007, le contrôleur des lieux de détention et de privation de liberté peut visiter les services hospitaliers recevant des patients hospitalisés sans consentement.


L’article 66 de la Constitution indique « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi »


Et puis le conseil constitutionnel (QPC du 27/11/10 ) dit «  considérant que la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ; que, toutefois, les motifs médicaux et les finalités thérapeutiques qui justifient la privation de liberté des personnes atteintes de troubles mentaux hospitalisées sans leur consentement peuvent être pris en compte pour la fixation de ce délai ; qu’en prévoyant que l’hospitalisation sans consentement peut être maintenue au-delà de 15 jours sans une intervention d’une juridiction de l’ordre judiciaire, les dispositions de l’article xxx méconnaissent les exigences de l’article 66 de la constitution… »


A partir de là, l’intervention judiciaire s’impose avant la fin des 2 semaines.


A cette époque on est dans les suites de l’affaire dite de Grenoble dont il résulte 2 choses :

- les malades mentaux sont dangereux (on est toujours dans cette dynamique ) il faut les « enfermer » c’est par exemple la création des cours sécurisées ;

- les psychiatres sont des irresponsables ( dont le travail est à contrôler )


L’avis du conseil constitutionnel aurait du changer complètement la réflexion sur la loi, ce qui n’a pas été le cas. Le juge va intervenir et pour palier à la difficulté on multiplie les certificats médicaux, on impose des délais d’audience, on n’éclaircit pas le rôle de l’avocat, on crée des « collèges » ( qui vont surveiller ce que font les psychiatres dans le cadre des programmes de soins ambulatoires) et on laisse dans le flou les accès aux dossiers médicaux.


Comme on est toujours dans le « sécuritaire » à la fin, le préfet garde le pouvoir de suspendre la décision du juge.


Nouvel avis du conseil constitutionnel du 9 juin 2011 : un deuxième avis psychiatrique peut imposer au préfet une levée d’hospitalisation d’office à laquelle il s’est opposé.


Moins d’un mois après, le 5 juillet 2011, la loi est publiée. On passe aux SDT et SPDRE.



DISPOSITIONS PENALES


1 an de prison et 15000 € d’amende pour le directeur et le médecin pour le maintien d’un patient dont la mesure de soins sans consentement a été levée ou en cas de rétention d’une requête d’un patient

6 mois de prison et 7500 € d’amende pour le directeur qui admet sans les pièces légales ou qui ne transmet pas les certificats légaux et pour le médecin qui ne rédige pas les certificats



LE JUGE DES LIBERTES ET DE LA DETENTION


Le juge intervient à la requête d’un patient ou exerce un contrôle automatique. Ce n’est pas une procédure contentieuse, il n’intervient pas pour trancher un conflit mais statue sur la mesure d’hospitalisation complète dans les délais prévus.

Il peut ordonner le maintien ou la mainlevée de la mesure, immédiatement, dans les 24h pour permettre l’établissement d’un programme de soins, ou ordonner une expertise ( délai de 14 jours)


Le bien fondé de la saisine :


La loi ne donne pas d’indication.

Au juge de vérifier si l’atteinte à la liberté du patient résultant de la mesure d’hospitalisation sous contrainte est effectivement adaptée, nécessaire et proportionnée aux objectifs poursuivis (attendus du conseil constitutionnel)

Pour les SDT les deux critères légaux sont l’impossibilité de recourir aux soins en raisons des troubles mentaux et un état mental imposant des soins assortis d’une surveillance constante justifiant une hospitalisation complète.

Pour les SPDRE s’y rajoute que ces troubles mentaux doivent être de nature à compromettre la sûreté des personnes ou à porter atteinte de façon grave à l’ordre public.


La publicité


Le juge statue publiquement.

Mais la Cour Européenne des Droits de l’Homme dit « la législation interne doit ménager des garanties appropriées pour empêcher toute communication ou divulgation de données à caractère personnel relatives à la santé qui ne serait pas conforme aux garanties de la convention européenne des droits de l’homme »

D’où le fait que, le plus souvent, l’audition a lieu en « chambre du conseil » la décision est, elle, rendue publiquement.



Dr ROELANDT dans l’Information Psychiatrique du 6 juillet 2009 dit « Les troubles psychiques n’aliènent pas les droits humains et la citoyenneté »

Pour le juge ce qui est important c’est la liberté « d’aller et venir » plus concrète à repérer et à faire respecter que  « l’abolition du discernement ou du contrôle de ses actes »



Modifications introduites par la loi du 27 septembre 2013


Suppression du dispositif spécifique pour les patients étant passés en UMD; mais le juge, pour la mainlevée d’une mesure, doit avoir l’avis d’un collège pour les personnes déclarées pénalement irresponsables

(la peine aurait été de plus de 5 ans d’emprisonnement pour l’atteinte aux personnes et de 10 ans pour l’atteinte aux biens )

Création de sorties non accompagnées de 48h ( alors que les sorties de moins de 12h doivent être accompagnées)

Suppression d’un certificat médical (entre le 5 et 8e jour) et l’avis conjoint au JLD devient un avis simple

Mais le JLD doit maintenant statuer dans les 12 jours et doit être saisi dans les 8 jours

Assistance obligatoire d’un avocat

Tenue de l’audience dans l’établissement de santé


PLACEMENTS HOSPITALIERS SOUS CONTRAINTE


Infectiologie : le préfet peut faire isoler un ou des malades en milieu hospitalier en cas de danger pour la santé publique ( épidémie par exemple) a 17 du code de la santé

Alcoologie : placement des alcooliques dangereux ( loi de 1954)

Toxicomanie : le juge d’instruction peut désigner un établissement si un soin en hospitalisation parait nécessaire

Psychiatrie


S P P I


( soins psychiatriques en cas de péril imminent : hospitalisation sans consentement sans tiers)


Une analyse a été faite au Vinatier (2011 à 2013 ). Elle montre une augmentation des SPPI ( 4% en 2011 pour 21% en 2013, pour 1462 placements contraints en 2011 et 1563 en 2013 ; nette diminution en nombre des SPDRE 184 en 2013 pour 303 en 2011 ; diminution des SDT 879 en 2013 pour 1012 en 2011 )

Dans 78 % des cas il n’y a pas de traçabilité de la recherche d’un tiers.

Dans 44% des cas les SPPI sont non justifiés.


Les auteurs pensent que les SPPI sont une facilité pour les urgences et qu’il y a un risque de désengagement des tiers.


FREJUS : DE LA PRATIQUE DE CES DERNIERS MOIS


1 /Comme partout on est « juge dépendant ».


La saisine du juge doit avoir lieu entre le 5e et 6e jour en sachant que le juge aimerait même être saisi au 3e jour car il doit mettre l’audience en place avec avocat, tuteur, voire interprète. Le juge préfère cette configuration même si cela abouti après à des annulations, les placements étant levés entre temps. Le juge dit que le plus souvent il se base sur le certificat de 72h : les temps d’évaluation psychiatrique et d’évolution deviennent courts !

Et de fait si il y a un « pont » la secrétaire doit faire en même temps le 72h et la saisine du juge.


Et que penser autour de la problématique des réintégrations/réhospitalisations dans le cas des programmes de soins. Les positions sont différentes selon les tribunaux dans un même département et les positions sont différentes entre le préfet et le juge.

Finalement un patient en programme de soins est « hospitalisé » quand c’est à sa demande et un certificat de situation suffit (où il faut bien faire attention de ne pas écrire réintégration) ; si l’hospitalisation se fait contre son gré, on est dans une réintégration avec reprise de tout le cortége des certificats : demande de réintégration, certificat de situation à l’arrivé, 24h …et présentation au juge à la clef.


2/ On est « préfet dépendant »


Les secrétaires fonctionnent beaucoup avec le service des maladies mentales à la préfecture (et avec le greffe du juge bien sur) pour valider les démarches (et malgré cela…)

On s’aperçoit que le service de la préfecture préfère «assurer » multipliant les demandes de certificats, anticipant d’éventuelles exigences du préfet qui lui même doit tenir compte du juge.

Et maintenant le tout doit être fait avant midi…( la secrétaire « course » les psychiatres pour qu’il respectent les délais)

D’où un accroissement régulier du travail secrétarial.


La pratique montre quand même que l’intervention préfectorale est très nette sur le versant sécuritaire : ainsi nous nous sommes fait retoquer à plusieurs reprises sur des demandes de permission pour un patient qui est passé en SPDRE « judiciaire » après expertise, qui était juste avant en SDT et bénéficiait de permissions ( incarcération puis hospitalisation pour agression sexuelle sur mineur)


3/ On est « secrétaire dépendant » ou plus exactement « hôpital dépendant »


Les audiences du juge doivent avoir lieu dans l’établissement. Une des raisons était que c’était moins « agressif » pour les patients, moins coûteux en temps pour les équipes.

Sauf que le président du tribunal demande des locaux de surface notable et des locaux « sanctuarisés »

L’hôpital voisin de DRAGUIGNAN avait la surface, l’hôpital de FREJUS non (sauf à engager des frais importants) donc les auditions se déroulent 2 fois par semaine (comme auparavant) à l’hôpital de DRAGUIGNAN et l’on ne se rend plus au tribunal… de DRAGUIGNAN.

L’équipe ne fait pas part de grande différence, sauf qu’ils n’ont plus à passer sous les portiques de sécurité.


Rêvons : on a crée une communauté de territoire FREJUS/DRAGUIGNAN/GASSIN. Déjà des rumeurs bruissaient sur le transfert de la psychiatrie de FREJUS à DRAGUIGNAN. Alors pourquoi ne pas envisager à terme la création d’une unité de placements contraints du territoire à DRAGUIGNAN ? On a bien à FREJUS la coronarographie par exemple. (et pourquoi ne pas envisager une unité départementale !)

Comme quoi il n’y pas que les conditions économiques qui soient restructurantes.


« Secrétaires dépendantes » aussi parce qu’à l’hôpital de FREJUS, ce sont les secrétaires « polyvalentes » de la psychiatrie qui s’occupent pratiquement de tout le dossier des placements contraints. Il n’y a pas de « bureau juridique ». On pourrait se demander, un s’il ne faudrait pas spécialiser une secrétaire uniquement sur ces tâches de placements contraints,d’autres l’ont fait ; deuxièmement s’il ne faudrait pas avoir une structure juridique, mais l’investissement devient important pour un hôpital général ( et retour au paragraphe précédent)


4/ Les derniers arrivés : les avocats


Ils font valoir que le Droit doit être appliqué. Ils sont à la recherche de tous les vices de forme. Une fois l’erreur repérée le juge ne peut qu’accéder à la requête. On a parfois l’impression qu’ils font « libérer » le patient comme ils font libérer le prisonnier.

L’équipe fait part du fait que depuis qu’il y a systématiquement un avocat les tiers sont moins participants, moins présents.

Bon, les avocats sont les derniers arrivants. A voir comment ils vont évoluer, à voir en particulier comment ils vont intégrer que ce sont des malades qu’ils – aident - .


5/ Question


Parce qu’on peut se poser la question de la place de celui qui doit protéger les biens et la personne (pour l’instant quand il en existe déjà un )


Le patient, s’il est hospitalisé, avec une limitation d’aller et venir, qui doit être adaptée, nécessaire, proportionnée, c’est bien parce qu’il a une altération de son vouloir, de son discernement, du contrôle de ses actes et que la contention dans une unité d’hospitalisation est un soin, que cette contention est restructurante ou qu’elle permet d’appliquer un soin.

Quel est alors l’intérêt de la personne ?



DR JEAN-PAUL BOYER

PRATICIEN ATTACHE

CHI DE FREJUS/ ST RAPHAEL



L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE : vol 85-6, 87-6-10, 88-1, 89-1, 90-9, 91-4.

PLURIELS N° 99-100

ELLIPSES : Psychiatrie Légale

Mise à jour le Vendredi, 05 Juin 2015 08:54