L'informel en psychiatrie (2/3)

Jeudi, 05 Juin 2014 08:23 Sylvie MASSON
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(Cycle de formation 2014, du 2 au  7 juin 2014 - VERS 46090)

Thème préparé par: Sylvie MASSON (IDE) Françoise GARCIA (ISP)

Notes de l'atelier rédigées par :


 

L’informel en psychiatrie



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Disserter sur l'informel en psychiatrie n'est pas chose aisée car, bien qu'il m'apparaisse évident après quelques années d'exercice que les tâches IDE relevant du domaine de l'informel soit le coeur du métier infirmier en psychiatrie, les identifier, nommer, qualifier et caractériser afin de les rendre visibles, de donner du corps à cet impalpable, des contours à cet indéfinissable est un exercice laborieux.

Comme vous l'a indiqué Anne précédemment, ce sujet (l'impact de l'informel dans le travail infirmier en psychiatrie) a fait l'objet d'un travail de recherche infirmier sur plusieurs. Ce travail a abouti à la détermination de 3100 unités d'actions en lien avec l'informel et la caractérisation de 139 fonctions en lien avec ces pratiques informelles qui relèvent toutes du rôle propre infirmier.

C'est dire l'importance de ces soins dans le travail IDE en psychiatrie, discipline où ils représenteraient entre 50% et 70% du temps « non identifié » particulièrement en unités d’hospitalisation temps plein.



Informel : dictionnaire le petit Larousse illustré 2012

Qui n’obéit pas à des règles déterminées, qui n’a pas un caractère officiel.

Il se manifesterait donc dans l'écart conséquent entre l'activité réelle et l'activité prescrite, entre l'activité réelle et celle saisie/tracée informatiquement (cortexte), entre soins programmés et actions non programmées.

Diplomée du programme de 1992 (donc IDE) je m'étais vue interrogée par un de mes collègues de promo à l'issue de la formation sur mon projet professionnel. Lui indiquant que mon choix se portait sur la psychiatrie, et à ma grande surprise, je m'étais entendu dire que c'était un mauvais choix de début de carrière, que j'allais "perdre toute ma technicité et ne pourrais donc pas revenir en soins généraux plus tard" (son choix à lui était les urgences). Si sa remarque m'avait dans un premier temps blessée, elle m'avait également permis de comprendre combien il était rassurant pour certains de se cantonner aux soins purement techniques qui demandent, certes une bonne maîtrise, mais ne convoque pas les domaines de l'autonomie, de la créativité, de la curiosité, de l'ingéniosité, de l'intuition, de la souplesse d'adaptation ... et aussi un réel travail d'équipe pluridisciplinaire car (contrairement à d'autres disciplines ex XIE où le W IDE n'est pas toujours valorisé) en psychiatrie chaque professionnel à son niveau (médico-socio) apporte sa pierre à l'édifice.

Le travail infirmier en psychiatrie est souvent défini comme un métier où le déploiement de la relation aux patients va s’affirmer par les conditions, la temporalité et l’engagement mis en œuvre. Ainsi, les attendus d’une contribution infirmière sont souvent de l’ordre de l’implicite et de l’informel.

La qualité principale de l'infirmier (et plus encore en psychiatrie) est sa capacité d'entrer en relation avec les patients de manière rassurante. Etre là, accueillir, être présent et disponible. Ne pas toujours aller vers le patient mais attendre que celui- ci s'adresse à vous pour qu'un contact non formalisé puisse s'établir. Etre là et être avec. Signifier que le soignant est là, qu'il y a du possible sans l'imposer, juste indiquer ce possible. Réaliser les soins mais surtout être là , accompagner, sans parfois presque rien faire d'autre que d'assumer la qualité d'une présence, ne pas fuir devant la souffrance, la folie, la mort. Non les IDE en psychiatrie ne font pas que boire du café et fumer avec les patients.

Mais aussi inventer des formes de présence qui ne soient ni la violence rejetante, ni l'indifférence, ni l'hyperprotection. Affirmer sa propre permanence sans l'imposer, être là et présent pour les autres dans l'unité, patients, collègues, équipe. Etre disponible ou sembler l'être pour leur donner l'impression qu'ils peuvent venir vers vous.

Tisser du lien, affirmer le primat d’une parole qui nous oblige à la création d’une qualité d’ambiance relationnelle propice à une quiétude collective, favoriser les expériences et les accès à un climat de confiance, autant d’actes fondamentaux de la relation de soin.

C'est aussi ça le métier d'IDE en psychiatrie, "chaque jour sur le métier remets ton ouvrage". C'est aussi sa richesse puisqu'il faut faire preuve de patience et d'inventivité. Les petits soins du quotidiens sont souvent invisibles. Ils paraissent aller de soi. Et pourtant, ce sont les soins les plus complexes.


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L’informel, un concept nomade

Se dit d’une forme de peinture abstraite (apparue vers 1945) marquée par l’absence de composition organisée et traduisant dans la gestualité ou la matière la spontanéité de l’artiste (Fautrier, Wols, S. Francis, Soulages etc).

La peinture informelle est un mouvement pictural né au début des années 1950 en Europe et aux Etats-Unis. Le terme de peinture et d'art informel désigne de nombreuses tendances de la peinture moderne tel que l'abstraction lyrique, l'expressionnisme abstrait ou l'action painting.

Ce qui caractérise la peinture informelle, c'est une volonté de rompre avec l'influence du cubisme et du surréalisme et de ses principes picturaux que sont la forme, l'harmonie tonale, l'équilibre, les proportions, la composition unitaire et la structuration centralisée. La peinture est donc déstructurée et les œuvres sont souvent réalisées dans l'instant, avec une part d'improvisation. La peinture informelle est une peinture abstraite, dans laquelle l'artiste crée des signes auxquels il donne ensuite un sens.

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(Observations : Gestualité comme l’Être – matière comme le Faire/le Soin – IDE comme l’artiste)

Toute forme prend naissance dans l’informe. Ainsi, le dessin peut partir de la feuille blanche, la sculpture d’un bloc de terre, des mises en forme à partir d’un informe.

Ce constat peut s’appliquer à la permanence des soins en unité d’hospitalisation temps plein, au quotidien et à l’ordinaire. Il peut s’appliquer particulièrement à la construction et à la mise en forme de la relation avec nos patients. L’informel peut devenir alors l’élément support sur lequel va se tisser et s’exercer, touche après touche, « petits riens » après « petits riens » une mise en forme de la relation. Cette approche est constituée d’un maillage de microactes et de miniactes (Guy Le Bortef-1995) pour ces niveaux d’actions souvent très investis en psychiatrie.

Toute forme prend naissance dans l’informe

Ainsi, aller discrètement au devant, se rendre disponible, soutenir et offrir sa présence sans l’imposer. C’est aussi s’arrêter sur une détresse ou une inquiétude, porter un geste qui entoure, saisir une main qui se tend, alimenter un narcissisme défaillant. Ou encore porter une attention liée à un élément de confort, mobiliser son sens de l’occasion sur l’ouverture d’une fenêtre « relationnel » renouvelant le mode d’accès à l’autre. Tout ceci constitue des actions qui ont une profonde signification sociale et humaine.

S’en servir comme un support au soin, comme d’un facilitateur pour pénétrer l’univers mental de l’autre, que ce soit dans le sens d’un désamorçage, d’un apaisement ou d’une ouverture, ces actions là aussi participent à la construction d’un climat relationnel favorable et elles dessinent alors le lieu de soin.



Transition vers le travail de l'unité de jour Auguste Charnay.

 

 



 

Pour aller plus loin, ....

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Mise à jour le Jeudi, 05 Juin 2014 09:46