30 ans d'évolution de la psychiatrie de secteur en Hôpital Général (2/2)

Mardi, 03 Juin 2014 08:20 Jean-Paul BOYER
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(Cycle de formation 2014, du 2 au  7 juin 2014 - VERS 46090)

Thème préparé par: Jean Paul BOYER

Notes de l'atelier rédigées par :


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30 ANS D’EVOLUTION DE LA PSYCHIATRIE DE SECTEUR A L’HOPITAL GENERAL

Avec le DR BERTHELIER, le DR DESCOMBEY (et le DR AUBERGIER qui m’a fait connaître l’association)

 

Pour débuter ce travail j’ai rangé par piles et par 10 ans. La pile des années 90 est apparue impressionnante. Cela tiens sans doute aux évènements mais aussi au soucis de travailleur acharné de R BERTHELIER de vouloir faire des bulletins. Il a même réussi à un moment à en faire 3 par ans ( le rapporteur était relancé plusieurs fois dans l’année et la honte s’abattait sur le malheureux qui ne rapportait pas ou comme celui d’entre nous qui ayant oublié un an plus tard avait commis un texte de remplacement… comparant l’équipe de psychiatrie à la paramécie !).

Quand j’arrive dans l’association en 1980 aux journées de Serre-Chevalier on est dans la psychiatrie de secteur en 4L ou 2 CV.

Le groupe est important et nécessite un partage en deux sous groupes avec mise en commun dans l’après midi.

Alors jeune psychiatre je suis fasciné par la psychiatrie de « haut vol » mais surtout la question du moment c’est « L’IMPLANTATION PREALABLE »

En reprenant mes piles de documents, j’allais voir qu’il y avait plus pertinent que le découpage par piles « décénales ».

Première période : les années batailles.

La loi de 1838 créait les hôpitaux psychiatriques départementaux. La circulaire de 1960 créait le secteur psychiatrique.
Les CHG se développaient dans la France des années 1970. Dans les services de médecine , aux urgences les demandes psychiatriques se multipliaient.

L’université après avoir formé des neuro-psychiatres formait d’un coté des neurologues et d’un autre coté des psychiatres.

A l’hôpital général la réponse aux demandes psychiatriques va être assurée par « les moyens du bord » neuro-psychiatre (ou psychiatres) libéraux qui viennent faire une vacation à l’hôpital et dans les grandes villes, service hospitalo-universitaire . Les fonctionnements sont disons classiques : hospitalisations ou consultations.

Commence à arriver également à l’hôpital général les psychiatres des hôpitaux. Certains sont issus de la filière des centres hospitaliers spécialisés et peuvent être dans la dynamique de la psychiatrie dite « de secteur ».

Le modèle est celui d’un soin qui se poursuit hospitalisation puis suivi à domicile , voire qui se prépare : prévention .Ce modèle fonctionne avec une équipe pluridisciplinaire.

Cette psychiatrie  se nourri également des concepts de désaliénisation analysant les effets pervers de l’enfermement, rejetant la tendance à « l’écrémage » tentation de garder les « bons patients » et de rejeter le « sédiment » au CHS « asile ».

Dans une expérience psychiatrique bénéficiant de peu de moyens, « l’idéologue » va être tout naturellement le DR BONNAFE qui vient de revendiquer de s’installer sur Corbeil sans lit d’hospitalisation « plus on étudie la réalité dans son histoire, plus s’avère fondé le principe d’institutionnalisation subordonnant de la façon la plus radicale la mise en place des lieux, des pierres ou du béton à la mise en place d’un système de moyens en hommes. A la pesanteur historique qui pousse à construire des instruments de séjour à visée thérapeutique et à secondairement envisager les moyens en hommes pour les faire fonctionner , on n’opposera jamais avec assez de rigueur le principe inverse : développer d’abord la disponibilité des hommes aptes à rendre leurs services à toute heure et en tout lieu et construire dans et par cette expérience la nouvelle conception des lieux les plus aptes à l’accomplissement de ces services »

A partir de tout cela la partie a pu débuter.

L’implantation préalable dérive directement des conceptions de BONNAFE : on commence le travail pour évaluer ce dont on aura besoin. On démarre le travail sans lit. Bien en adéquation avec des situations où l’on n’a pas de moyens, bien satisfaisant pour le ministère qui n’a pas de financements à fournir.

Et puis on est dans la période post anti-psychiatrie de COOPER, LAING en Angleterre, BASAGLIA en Italie . Il s’agit de repérer en quoi l’entourage est aliénant et de sortir de l’hôpital psychiatrique.

On est dans une mouvance idéologique de libération.

R Berthelier dans un de ses textes dit que l’on ne peut pas fonctionner sans lits d’hospitalisation mais qu’il y a dans le concept d’implantation préalable un idéal qui motive les équipes ( l’on remarquera de même que BONNAFE n’a jamais dit qu’il ne fallait pas de lits d’hospitalisations mais bien plutôt qu’il fallait faire l’évaluation avant de « recevoir » des lits.)

Les équipes à l’hôpital général commence a travailler. Peu de moyens mais beaucoup d’espoir.

On retrouve cela au fil des textes de l’association.

Travail sur les liens : le politique (1979 « rapports avec le politique ») , les CHS (1981 « indications de l’hospitalisation en milieu spécialisé » , 1988 « 150ème anniversaire de la loi de 1838 »), les généralistes du secteur (1982 « rapports avec les médecins généralistes ») , les urgentistes (1982 « l’urgence psychiatrique à l’hôpital général ») , la MCO (1986 : « médecine somatique et psychiatrie : demandes et réponses ») , les associations locales (1991 : «  les associations loi de 1901 dans le secteur »)

Travail sur les outils conceptuels : secret professionnel ( 1982 «  secret professionnel et partage de l’information), la « déchronicisation » (1986), le « bricolage » (utilité et limites du bricolage en psychiatrie de secteur 1987 )

 

Réflexion sur les outils de travail : VAD (1980), la liaison (1981), HJ (1984)

Les différentes composantes de l’équipe sont interrogées, comme par exemple lors du thème « médecins mode d’emploi »  en 1987.

Travail clinique aussi , patients alcooliques dès I980, toxicomanes en 1985, familles immigrées en 1984, psychopathes en 1987 .

En fait la clinique « classique » n’apparait que plus tard en 1988 avec « Les syndromes anxio-dépressif à l’HG » et l’année d’après seulement un questionnement sur la psychose.

Surtout l’association questionne sur l’évolution de l’implantation à l’HG, analyse du travail des équipes (1979 1987), réflexions sur l’évolution de la formation d’infirmier (1986 1988), évaluation du travail (1989), soucis de faire « l’état des lieux »(1986) jusqu'à « notre réalité » (1990)

Dans la pratique les choses ne sont pas simples.

Les moyens ne vont pas forcement suivre alors que la quantité de travail à l’hôpital général a plutôt tendance à exploser.

Les équipes sont petites et isolées ne pouvant se renforcer les unes les autres, ce qui par exemple au niveau médical se traduit par une charge importante au niveau des gardes.

Au niveau local la place que laisse la MCO est fonction des bonnes ou mauvaises relations qui se nouent. A cette époque les hôpitaux généraux où un psychiatre occupe une place au conseil d’administration sont rare.

Rapidement il va apparaître aussi que la psychiatrie a un budget intéressant qui peut s’avérer fongible dans le budget de l’hôpital général, et plus tard quand la MCO passera en T2A, la dotation globale de la psychiatrie va donner l’assurance d’un « volant de fonctionnement ».

Les relations avec les CHS ne sont pas simples, sur fond de suspicion « d’écrémage », de ne pas être dans la pratique « de secteur ». Le poids des CHS reste important sur les départements et là les budgets ne sont pas « fongibles »

Cette tension se perçoit bien dans les bulletins de l’association où l’on évoque la place congrue sinon inexistante qui est faite aux services de psychiatrie travaillant à l’hôpital général dans les syndicats des psychiatres des hôpitaux .

C’est aux journées de La Rochelle en 1989 que l’on commence à voir apparaître le terme de pénurie dans les discussions en même temps que le désenchantement commence à se manifester.

L’année suivante à Amboise un atelier supplémentaire s’impose « Notre réalité » . Le tour de table met en évidence la multiplicité de nos difficultés. Non seulement les budgets n’augmentent pas mais la pénurie ne nous protège pas puisque certains services voient une baisse de leur dotation.

Il est décidé de créer une « association sœur » à vocation militante a même de développer un travail de « lobiing »

L’émergence de Psygé pour la « défense de la psychiatrie à l’hôpital général » dont l’assemblé générale extraordinaire se tient en 1991, puis les assises

« Nouvelles équipes, nouveaux malades, nouvelles pratiques » en 1992 à Aulnay sous Bois ne va pas être sans répercussions sur l’association.

Très clairement, c’est du moins ce que résument les journalistes, il s’agit de récupérer des budgets « La psychiatrie d’hôpital veut mettre l’asile à la porte » (Libération mars 1992)*

Ce discours clivant n’a pas toujours été bien reçu dans l’association qui avait essayé de construire avec les CHS.

Des répliques au tremblement se sont fait sentir à Dinard et surtout à Bonascres.

Les « Années batailles » se terminaient. L’Association pouvait rentrer dans la période maturité.

*Ceci dit la Loi de 1838 créait et finançait des hôpitaux psychiatrique départementaux.Avec la pratique de secteur il s’agissait de rapprocher les lieux de prise en charge, des lieux de vie des patients. Cela a été expliqué ainsi à nos tutelles, mais les psychiatres ont continués à développer les deux pratiques. Au bout d’un moment les financiers n’ont plus compris.

DR BOYER JP

(CHI FREJUS ST RAPHAEL)


 

 

EQUIPES

 

J’ai choisi, à travers les textes de l’association, de voir l’évolution d’un concept. Celui d’équipe (infirmiers, médecins, évolution de etc…) me semblant revenir le plus souvent, c’est lui que j’ai retenu.

1979 - « Confusion des rôles dans l’équipe soignante » Quel titre !

1980 - On évoque des équipes comportant :

1 médecin chef, un adjoint (des internes)

3 infirmiers 1 psychologue, 1 assistante sociale, 1 secrétaire médicale en moyenne

« Infirmiers mode d’emploi » 1986 .L’infirmier gère le réel. Il est dans l’interchangeable Il a une fonction maternelle .Une IDE arrivant en psy dit « ici c’est flou, c’est flou !!  Les prescriptions peuvent aller du simple au triple ».

Projet de formation commune IDE ISP

AG de l’association du 2 .6 .86 se prononce pour le maintien d’une formation spécifique d’infirmier psychiatrique

La question du dossier de soins infirmiers au fil de la journée en 1990 à Amboise est « dédiabolisée » pour devenir la reconnaissance de l’écrit infirmier, effort de systématisation et de réflexion dépassant le « cahier de rapport »

1990/1991 bulletin spécial : dossier de soins infirmiers

1992 - L’arrivée des IDE dans les services de psychiatrie va-t-elle constituer un retour en arrière ? Les patient s vont-il se retrouver « contentionnés » dans les services ?

En même temps commence à apparaître le clivage :

- infirmiers intra hospitaliers, infirmiers de nouvelle génération, plutôt IDE

- infirmiers extra-hospitaliers, plutôt anciens, plutôt ISP

Et les nouveaux psychiatres, ceux de l’hôpital général qui ont abandonné le CHS, comment vont-ils gérer ce « sacrifice » perte de leur place générationnelle ? Que vont devenir les générations suivantes ?

1993 - à propos de la gestion des conflits dans l’équipe, on parle pour la première fois de l’infirmier général inclus dans l’équipe de direction, de la place des cadres infirmiers et d’une triangulation direction/ médecins/ infirmiers.

1994 - l’association se permet de se demander si le secteur n’est pas un « concept ringard » Il est attaqué sur le « temps » qui n’est plus celui du CHS, il est attaqué sur la géographie qui est celle de l’hôpital général. Un parallèle était fait avec la conception de Baudrillard disant que la catastrophe finale ( la disparition de l’humanité ) avait déjà eu lieu, mais que les hommes ne s’en étaient pas encore aperçu. Comme si le secteur avait disparu, introjecté.

A quoi s’oppose le secteur ? A la Loi de 1838. Avec la psychiatrie à l’hôpital général, l’hôpital départemental meurt .Tout devient secteur, plus rien ne s’oppose ( et il me semble bien qu’après il n’y plus eu de thèmes sur le secteur).

La pratique du cadre infirmier, du directeur des soins, du diplôme unique infirmier (1995/1997/2002)

A partir de 2001 commence à apparaître les questions sur la violence et la féminisation des équipes.

La pénurie (médicale) questionne sur l’organisation des secteurs et sur de nouveaux rôles et fonctions ( sans réponse jusqu’à ce jour ?)

2004 - réorganisation sanitaire : disparition des indices quant au nombre de lits et de places ; le SROSS devient l’outil de régulation. Généralisation de la tarification à l’activité (PMSI)

En réponse au diplôme unique infirmier, question sur la « transmission ». Début du discours sur le tutorat (2005)

2006 - « l’importance du travail en réseau »

2007 - « Malaise dans la psychiatrie» Les pathologies se sont modifiées avec l’apport des toxiques. Avec le manque de personnel, éducateurs, aides soignants sont recrutés. La démarche qualité s’impose. On est parasité par le médico-légal .

Loi HPST 2009 : les pôles

Epuisement professionnel : thème traité en 2013

Au terme de ce survol je retiendrai deux fils rouges :

- l’infirmier, sa place, sa formation etc…

- l’équipe, on y revient régulièrement au fil des années, comme un endroit où on se retrouve, se ressource, se régénère.

Sur l’histoire :

- à partir de 1994, on ne se questionne plus sur le secteur,

- à partir de 2007, on a l’impression que quelque chose «explose » dans la psychiatrie, restructuration par la pénurie, mutation du sujet (de la psychiatrie).

DR JP BOYER

( CHI FREJUS ST RAPHAEL)

 


 

ANNEE APRES ANNEE

LES LIEUX ET LES THEMES

1979 - ARLES

1980 - SERRES-CHEVALIER

1981 - SAINT GEORGES D’OLERON

1982 - VASSIVIERES

1983 - GRASSE

1984 - PIAU ENGALY

1985 - BEG MEIL

1986 - VILLEREST

1987 - SERRE CHEVALIER

1988 - SAINT LEON SUR L’ISLE

1989 - LA ROCHELLE

1990 -AMBOISE

1991 - DINARD

1992 - BONASCRES

( E JULLIAND) Bricolage aux années 1970 ( JP BOYER ) La première rencontre (M BOUDET )

1993 - GIENS

1994 - ANNECY

1995 - PORT LEUCATE

1996 - SATILLIEUX

1997 - VIEUX BOUCAUD

( A PIERNIKARCH) Expression théâtrale en psychiatrie (M BOUDET , B GUERI S CAU)

Associations -Résistances, clin d’œil (Y TARDIVEL)

1998 - GIENS

1999 - BRIANCON

2000 - ILE DE RE

2001 - BUIS LES BARONNIES

2002 - ILE DE BERDER

 

2003 - FREJUS SAINT RAPHAEL

2004 - OBERNAI

2005 -CAP FERRET

2006 - HYERES

2007 - GUIDEL

2008 - CARRY LE ROUET

2009 - GUETHARY

 

2010 - VOGUE

2011 - GUITTE

2012 - COLLIOURE

2013 - LA ROQUE D’ANTHERON

Mise à jour le Mardi, 03 Juin 2014 09:00