EPUISEMENT PROFESSIONNEL

Vendredi, 07 Juin 2013 06:27 Florence LE HENAFF - David DELAY
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(Cycle de formation 2013, du 3 au  9 juin 2013 à La Roque d'Anthéron 13640)

Thème préparé par: Florence LE HENAFF - David DELAY

Notes de l'atelier rédigées par :

 

EPUISEMENT PROFESSIONNEL

 

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"le vécu et le ressenti de Florence et David"

Florence : " Le burn out ... quelle drôle d'idée !! C'est vrai, nous sommes jeunes, nous avons choisi un métier dans lequel apparaît souvent la notion d'épanouissement personnel et voici que la souffrance s'en mêle ! Eh bien oui, après plusieurs heures de réflexion, on s'en trouve finalement mieux, comme libérés d'un poids.

Nous allons donc tenter de vous faire part de nos réflexions sur le sujet.

Difficultés à traiter le sujet -> Objets et sources de souffrances -> Conséquences -> Ressources potentielles

I°) Difficultés à traiter le sujet

Tout d'abord il est important de préciser que la mise en forme a été difficile à réaliser, le sujet difficile à aborder. Cela pour plusieurs points :

II°) De quoi souffrons-nous ?

1- David : en lien avec le texte fustigeant les procédures : l'histoire d'une procédure, née de l'équipe... qui tourne mal

2- David : La mort d'un patient non signifiée dans une économie de deuil auprès des autres patients malgré une réflexion dans ce sens en équipe ; la disparition prolongée de l'outil "groupe de parole autour de la vie institutionnelle". On supprime la mort et la vie ?

3- Florence : j'ai souffert de moins soigner... En fait j'avais le sentiment très désagréable de m'arracher au service en n'ayant accompli que les urgences, et les prises en charge de dysfonctionnements. Par exemple, il nous a beaucoup été demandé de nous investir plus dans les activités thérapeutiques, organisées seulement par les ergothérapeutes et psychomotriciens lorsque je suis arrivée. Mais depuis un an et demi, mon cadre ne sait toujours pas que tous les jeudis je dois être du matin pour le groupe accueil !

Ajoutons les pannes ou perturbations matérielles en tous genres : interphone, téléphone, cabine téléphonique des patients, serrures, ampoules ou néons grillés, toilettes bouchées, rupture de stocks de linge, pyjamas (patients souillés), médicaments, prescriptions non renouvelées, bugs informatiques, dégradations des portes ou fenêtres par les patients, délais de réparation inconnus, travaux prolongés, alarmes incendie intempestives, lave-vaisselle en panne (donc utilisation de vaisselle en plastique manquant de noblesse), lave-linge en panne, sèche-linge en panne, absence de table d'examen pour pratiquer les soins, accueil ou déplacement des patients dans des conditions non conformes, accompagnements au tribunal chaotiques, inventaires voire confiscations vécus comme intrusifs auprès des patients, coupures d'eau chaude, d'eau froide, élimination de déchets non conforme à l'idée de développement durable (-> culpabilité), alimentation inadaptée (fruits pas mûrs et gelés, pb sans solution d'après la cuisine), effractions et vols à répétition du matériel d'ateliers thérapeutiques, odeur d'urine ou d'excréments persistante aux alentours d'une chambre imprégnée à outrance, tri du linge sale non effectué par les collègues, présence de personnes indésirables dans le service par impossibilité technique intempestive de verrouiller l'ascenseur, lit médicalisé non utilisable, manque de clefs de contentions, coins et recoins sans surveillance, architecture offrant la possibilité de fuguer aux plus hardis dans des conditions dangereuses, pas de toilettes dans les chambres d'iso mais des bassins en cartons, chambre d'iso avec hublot non condamnable donnant sur le couloir ...

Un atelier cuisine avait été monté ; durant 8 mois, il s'est déroulé sans plaque de cuisson. De plus, sur un plan thérapeutique, les objectifs ne sont jamais discutés en équipe pluridisciplinaire, ni en amont ni en aval de ce temps de soin.

Pour la prise en charge d'un de nos patients présentant fréquemment un syndrôme catatonique, il a fallu 3 mois pour bénéficier d'un matelas adapté... et autant pour faire récupérer le même matelas après le décès du patient.

Ce sont de petites choses, me direz-vous peut-être, mais c'est la chronicité et la répétition qui use l'énergie et nous donne la sensation de la perdre.

De plus, il est aisé de se laisser happer par ce quotidien qui peut protéger de la psychose, de l'angoisse des patients, comme si nous en retirions un bénéfice. Mais il ne me semble pas avoir mis en place cette protection, j'en ai maintenant la certitude avec le recul et les moyens mis en oeuvre pour sortir de cette spirale.

David et Florence : nous pourrions relever des marques de souffrance dont nous n’avons pu déterminer la part de cause ou de conséquence : les tensions avec le cadre, l'équipe médicale, les patients, les collègues, les familles, plus indirectement avec la direction, l'ARS, la loi du marché ... Nous remarquons également les tensions vécues sur un plan personnel, pouvant interagir avec le milieu du travail : pb familial, financier, pb de santé physique, vécu douloureux, difficultés de positionnement, mauvaise passe, grosse fatigue, crise de la quarantaine ... (jeu de mot sur l'ostracisme que risque le soignant en souffrance).

III°) Conséquences possibles sur la prise en charge.

Objectivation des patients, c’est-à-dire leur attribuer une nature d’objet, les réduire à leur pathologie. Leur prêter un jugement de valeur.

« La dépersonnalisation représente la dimension interpersonnelle du syndrome d’épuisement professionnel. Elle renvoie au développement d’attitudes impersonnelles, détachées, négatives, cyniques, envers les personnes dont on s’occupe. L’individu ne se sent plus concerné par son travail et dresse une barrière qui l’isole de ses clients et de ses collègues. » « Le terme de dépersonnalisation peut prêter à confusion vu qu’il désigne aussi l’état psychique ou domine l’impression d’être étranger à soi-même. Le terme de déshumanisation aurait pu être choisi, mais sa connotation est évidement trop extrême pour qu’il soit reconnu. »

Se pose alors la question de la perception de notre malaise par les patients : quelle nature de contre-transfert peut naître d’une telle perspective ? On peut même aller jusqu’à imaginer qu’il y aurait un possible malentendu dans l’échange, durant lequel le soignant est déjà envahi par sa propre souffrance et ne peut s’en dégager pour pouvoir être dans la relation.

Contagion de la souffrance dans l'équipe : perte d'élan, lassitude, repli, horaires fantaisistes, irritabilité, manifestations phobiques, fatalisme, négativité, mauvais esprit, cynisme

Conduites d'évitement, somatisation, suicide.

Quels pourraient être les leviers qui nous permettraient de sortir du cercle vicieux de la souffrance ?

IV°) Ressources.

David : réfléchir sur le fonctionnement institutionnel ? la logique d'entreprise ? les enjeux de pouvoir ? Quelles sont nos attentes ? Quelles sont les émotions ressenties derrière le sentiment de frustration?

Florence : Eh bien tout d’abord l’appui sur notre équipe soignante, car nous sommes faits de personnalités diverses, et comme nous avons vu que le travail induit des sources de souffrance différentes, on peut imaginer que l’un puisse s’adapter quand l’autre souffre. De plus, cet échange au sein de l’équipe suppose la verbalisation du ressenti, et c’est déjà un premier pas pour identifier nos difficultés. Ces temps de parole sont souvent le lieu même des soins.

De même, les échanges avec des personnes, voire des thérapeutes totalement étrangers à notre lieu de travail, peuvent être bénéfiques, nous apportant un recul, une prise de distance.

Toujours dans l’idée de dynamique d’équipe, il est important de reparler de dépersonnalisation ; en effet, il faut respecter ce mécanisme chez un collègue qui souffre, car c’est ainsi qu’il se soigne. Philip Zimbardo (en 1970) parle du concept d’objectivation comme auto-défense, il « exprime l’idée de se protéger du débordement émotionnel en considérant des cas plutôt que des personnes ».

Cependant, pour le groupe tout d’abord, il peut être difficile d’accepter qu’un membre de l’équipe puisse se mettre de côté. Mais au niveau personnel, cela engendre un questionnement sur ses propres capacités. Ainsi entend-on souvent : « j’ai l’impression de tout oublier ici », «  je ne suis pas soignante ici. »

Conclusion.

Finalement, j’ai trouvé personnellement un bénéfice énorme au travail que nous venons de vous présenter ; il m’a grandement rassurée de pouvoir analyser, rationnaliser, identifier les mécanismes qui me mettaient en souffrance, ainsi que pouvoir partager mes émotions dans une sorte de délivrance cathartique. Je me suis mise alors à attendre autre chose de mon travail et à mettre mon énergie dans des domaines constructifs et valorisants au service de mon identité professionnelle. Ce travail m’a permis de réconcilier mes valeurs personnelles et professionnelles.

Mise à jour le Mercredi, 22 Janvier 2014 15:20