RÔLE D'UN CHEF DE POLE VERSUS UN CHEF DE SERVICE

Samedi, 04 Juin 2016 11:49 Pascal PANNETIER
Imprimer

(Cycle de formation 2016, du 29 mai au  4 juin 2015 - CAP FERRET - 33)

Thème préparé par:

Dr Pascal PANNETIER (Psychiatre)

Notes de l'atelier rédigées par :

 


Reférences

(pour accéder aux douments, cliquez sur les champs surlignés):

La loi HPST à l'hopital, les clés pour comprendre

La réforme de l'internat de médecine de 1982 et ses effets sur les choix professionnels des médecins

 

 


 

CHEF DE SERVICE VERSUS CHEF DE PÔLE

Chef de service versus chef de pôle : le thème n’a pas été très porteur.

La preuve: lorsqu'il a été proposé au programme de l'association il n'y a eu aucun enthousiasme. Il a été recalé piteusement (5 voix?) malgré toute l'influence du président et n’a pu revenir en deuxième année que part l’opportunité de faire intervenir (et donc revenir) l'équipe infirmière de Metz…

Nous avions déjà parlé du rôle de la psychologue dans l'équipe, de l'assistante sociale, de l'aide soignante mais pas du chef de service. Pourtant chef de service et chef de Pôle sont, ou ont été, des fonctions « pierres angulaires » de l'organisation de notre système hospitalier.

On ne dit pas médecin-chef qui est un grade qui n’existe que chez les militaires et on dissocie le grade et la fonction, tous les praticiens hospitaliers ayant un grade unique.

Peu de monde connaît vraiment les prérogatives de ces fonctions qui conditionnent pourtant notre quotidien professionnel. Et personne ne discute de cette organisation.

Mon intervention pourrait s'arrêter là car les services et leurs chefs n'existent plus.

Depuis la loi HPST du 21 juillet 2009 il n'y a plus de nominations ministérielles de chef de service qui étaient valable cinq ans. Donc depuis 2014 il n'y a plus de chef de service en France dans le système hospitalier public. Personnellement ma dernière nomination date de 2005 et je suis chef de pôle depuis 2010, après avoir été responsable de pôle depuis…2007.

Le vocable actuel continue à parler improprement de chefs de service mais il faudrait dire chefs de pôle et "responsables d'unités intermédiaires". L'usage perdure avec comme souvent en France une strate hiérarchique supplémentaire qui se surajoute dans la nouvelle organisation, comme dans le découpage territorial entre régions -départements - agglomération de communes - communes. On créé une nouvelle fonction sans réellement supprimer la précédente. Et on confond encore les anciens et les nouveaux francs.

"Big Is Beautiful", le pôle est un regroupement de plusieurs services.

Dans la spécificité psychiatrique, un secteur peut être un pôle ce qui est de plus en plus rarement le cas.

Dans certains hôpitaux universitaires un pôle peut être aussi grand que mon hôpital psychiatrique de Jury les Metz (350 lits, 50 personnels médicaux, 750 personnels non médicaux et 45 millions de DAF, dotation annuelle de financement).

Ces fusions, regroupements, gestion d'ensembles de plus en plus gros préfiguraient l'actuelle réforme des GHT groupements hospitaliers de territoire.

Si le mot territoire fleure bon son terroir, le reste du vocabulaire de l'hôpital moderne empreinte à celui de l'entreprise : conseil de surveillance, directoire, pôle d'activité, management… À l'heure de la désindustrialisation, alors qu'au CAC 40 certains rêvent d'un monde sans usines et sans ouvriers et que les grandes entreprises comme Renault développent le travail en réseau, (pratiqué par le secteur), les hôpitaux ce mettent à être géré "comme des usines", selon l'expression du livre du professeur Escande.

D'un travail artisanal, à taille humaine, ou l’humanisme pouvez s'exprimer, on est passé à l'industrie et au productivisme avec des regroupements permettant des économies d'échelle et une hiérarchie pyramidale avec un seul chef à sa tête.

Un seul homme, le directeur, à tous les pouvoirs. Son hôpital est autonome mais il doit composer avec les élus, la réglementation des marchés publics et un préfet sanitaire (ARS) qui l'étrangle financièrement et peu le révoquer à tout moment.

Dans l'ancien système le chef de service était nommé par le ministre pour une période de cinq ans sur un projet de service avec une évaluation de son bilan sur ses rapports annuels. PH assimilé fonctionnaire pour préserver son indépendance déontologique, il ne se posait pas la question de la subordination au travail.

C'était souvent au départ un jeune médecin ambitieux qui devenait au fil des ans un vieux grincheux indéboulonnable empêchant l'évolution de son service et dont l'hôpital attendait la retraite pour pouvoir procéder à des restructurations souhaitées.

Chaque service était "un petit marquisat"selon l'expression de Gérard Massé où le chef pouvait recruter par cooptation toute une équipe dévouée à sa personne dans un fonctionnement patriarcal à la romaine où le praticien était admiré par ses troupes. On choisissait de venir travailler chez lui ou alors on mutait pour ne pas être écrasé par sa vindicte mandarinale, même si officiellement dans le service public « on ne choisissait pas ses collaborateurs ».

On ne lui demandait pas d'être un gestionnaire mais d'avoir une légitimité clinique et intellectuelle.

Il incarnait une certaine idée du soin avec une philosophie et une culture propre qu'on ne retrouvait pas dans les autres services. Si on restait dans un service, c'est que l'on cautionnait les pratiques de son chef et même que l'on participait à leur transmission.

Les postes étaient rares et il fallait longtemps attendre comme assistant un poste qui se méritait avec une sélection élitiste (concours, assistanat, psychiatricat, praticien des hôpitaux...).

On était fier de signer "psychiatre des hôpitaux », formule qui là non plus n’existe plus. Pour le devenir il fallait attendre dans des postes moins prestigieux d'avoir l'ancienneté suffisante pour devenir un notable et enfin bénéficier de ce fameux tour de mutation au niveau national et parfois dans les DOM-TOM.

Le chef de service était alors omniscient. La "surveillante" lui était tout dévoué et l'équipe construisait son identité autour de sa personne au point de devenir parfois une véritable secte. Si le gourou dérapait, l'équipe souvent le défendait même dans l'indéfendable. L'unité du groupe se façonnait aussi autour du chef et contre les autres services. Le nationalisme régnait dans les services.

La commission médicale d'établissement servait d'instance suprême, véritable Parlement de l'hôpital. La CME était alors un théâtre où se jouait avec beaucoup d'effets de manche la démocratie hospitalière avec des jeux de rôles bien définis entre l'administration et les médecins.

Parfois ce jeu de rôle tournait à La farce, certains s'enflammant dans une parano où le méchant était toujours joué par le directeur, d'autres utilisant plus subtilement cette tribune. Parfois ce théâtre pouvait se bloquer et empêcher toute évolution de l’hôpital. Mais au moins chaque chef de service était égal à ses pairs et pouvait prétendre à la même considération et à la même répartition des moyens.

Le président de la CME était le co-directeur médical et une apparente collégialité régnait. Les directeurs, eux, apprenez à manipuler les médecins à l'école de la santé publique de Rennes.

Un jour notre président de la CME nous a annoncé les transformations et réformes à venir: « Les temps changent, désormais certains d'entre nous vont rouler en Rolls et les autres en deux-chevaux ». Nous avions bien compris que lui, cardiologue, roulerait en Rolls et que les psychiatres garderaient la voiture de service pour les visites à domicile , qui a l'époque étaient des R5 et non pas des deux-chevaux.

Bref, je vous parle d'un ancien temps où le chef de service avait encore du prestige et un véritable pouvoir médical. Ce temps est révolu. Les grandes figures de la psychiatrie n’existent plus, les chefs de service aussi se sont affadis.

Après la disparition des médecins directeurs, après la fin des mandarins, après la création des directeurs des soins mettant les cadres du côté administratif hors champs hiérarchique du médical (mais bien sûr « le cadre travaille en étroite collaboration avec le chef de service ») la loi HPST subordonne le médecin, supprime la fragile démocratie participative hospitalière qui procédait d'un subtil équilibre avec l’administration et consacre le directeur comme seul et unique décideur, comme le souhaitait Nicolas Sarkozy. Le médecin n'est plus qu'un simple prestataire de service, parmi d'autres acteurs des soins.

Sur le site: social-santé.gouv.fr/IMG/pdf/vademecum_loi_HPST.pdf on trouve au chapitre 14 les missions et fonctions des chefs de pôle d'activité : « la fonction de chef de pôle d'activité est marquée par un accroissement des responsabilités et de la composante managériale de la fonction... ... Les chefs de pôle cliniques ou médico-techniques sont à la fois médecins et désormais manageurs de leur pôle. Ils sont investis d'une réelle autorité déconcentrée, avec plus de pouvoir que précédemment. »

« Les compétences du chef de pôle sont d'abord de mettre en œuvre la politique de l'établissement afin d'atteindre les objectifs fixés au pôle. Le chef de pôle organise avec les équipes médicales, soignantes, administratives et d'encadrement du pôle, sur lesquels il a autorité fonctionnelle, le fonctionnement du pôle et l'affectation des ressources humaines en fonction des nécessités de l'activité. Pour cela il tient compte des objectifs prévisionnels du pôle. Il agit dans le respect de la déontologie de chaque praticien et des missions et des responsabilités des structures, services, unités fonctionnelles prévues par le projet de pôle ».

« Il exerce un rôle, précisé par le contrat de pôle dans la gestion du tableau prévisionnel des effectifs rémunéré, la gestion des tableaux de service des personnels médicaux et non médicaux …etc. etc.

Opportunité de plus de responsabilités médicales et de déconcentration, ou à l’inverse centralisation sur un seul homme de l’administration, les pôles seront ce que nous en feront en gardant notre éthique et nos convictions. Mais aussi ce que l’on voudra bien nous laisser faire. A nous de connaitre les règles et leurs utilisations possibles.

Questions restant en suspens à traiter en plénière:

  1. Pourquoi en être, pourquoi faire?
  2. Entre collégialité et autoritarisme?
  3. Savoir faire travailler les autres ou tout faire soi-même
  4. La solitude du gardien de but au moment du penalty?
  5. L’impuissance du pouvoir?

Pascal PANNETIER vendredi 3 juin 2016 Cap-Ferret

 

Mise à jour le Mercredi, 08 Juin 2016 08:19