Psychiatrie de Secteur à l'Hôpital Général

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30 ans d'évolution de la psychiatrie de secteur en Hôpital Général (1/2)

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(Cycle de formation 2014, du 2 au  7 juin 2014 - VERS 46090)

Thème préparé par: Madeleine BERNARD

Notes de l'atelier rédigées par :

 


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TRENTE ANS D'ÉVOLUTION DE LA PSYCHIATRIE DE SECTEUR

À L'HÔPITAL GÉNÉRAL

De l'implantation préalable au pôle de psychiatrie

L'évolution de la psychiatrie de secteur à l'hôpital général s'inscrit, bien entendu, dans le contexte de l'évolution générale de la psychiatrie publique depuis la dernière guerre, évolution dont Pascal Pannetier nous a parlé avec brio en 2011. Je ne reviens donc pas sur les horreurs de la situation des hôpitaux psychiatriques pendant la dernière guerre, horreur dont est née, en résistance et résilience, la psychothérapie institutionnelle et l'idée de l'organisation de la psychiatrie publique en secteur géo-démographique dans lequel oeuvrait une équipe pluridisciplinaire unique pour la prévention, l'hospitalisation et les soins ambulatoires.

Commençons donc notre histoire :

    • « il était une fois …. au début de la décennie 1970 » et jusqu'en 1985

      On rêve, avec Lucien Bonnafé à Corbeil, d'un outil de soins que nous pourrions fabriquer « à notre main » comme de bons artisans que nous sommes : c'est le concept d'implantation préalable. Une équipe minimum (en général 1 ou 2 médecins, avec quelques infirmiers et une secrétaire) nommée sur un secteur, s'attelle, avec un enthousiasme inversement proportionnel aux moyens dont elle dispose, dans des locaux exiguës, à la prise en charge des patients, tout en faisant un état des lieux et en établissant une liste qui se veut raisonnée des moyens qui vont être adaptés à la prévention, aux soins à minima hospitaliers (cf les polémiques passionnées sur les secteurs sans lits publiques mais avec 100 lits en cliniques privées ou sur les secteurs voisins dotés de lits, au cours des 1ières années de notre chère association …) et au maximum extra-hopitaliers, aux suivis au long cours, à la recherche et à la formation des plus jeunes, médecins ou infirmiers … OUF !! Je ne regrette pas du tout cette période, exaltante où tout nous paraissant possible, nous faisions beaucoup voire même, parfois, l'impossible.

      Un certain nombre d'équipes se sont installées dans ces conditions d'équilibristes audacieux et plein d'entrain, avec de multiples variantes liées à la fois aux conditions locales administratives et de constitution différentes des équipes elles-même. Ce fut l'époque des USS ou autres USN qui nous furent « livrées clefs en mains » et vieillirent bien mal. Ma longue carrière, qui m'a permis de connaître de façon approfondie 3 secteurs rattachés aux hôpitaux généraux, m'a aussi montré à quel point, à partir d'une même idéologie les effets peuvent varier …

      Ce « rêve » , en germe depuis la circulaire de 1960 qui rendait possible l'organisation sectorielle mais débuté surtout avec l'arrêté de mars 1972 qui généralisait à l'ensemble du territoire national la psychiatrie publique sectorisée, s'est vu rogner les ailes dans la 1ière moitié des années 80 avec les restrictions budgétaires qui ont affecté, vers 1984, aussi les budgets de la santé.

    • la loi de 1985

      Elle crée juridiquement les secteurs de psychiatrie comme mode d'exercice de la psychiatrie publique française en l'inscrivant dans le Code de la Santé Publique et entérine, de fait, le rattachement d'une partie des secteurs aux hôpitaux généraux. Elle globalise les budgets intra et extra hospitalier et donne ainsi aux directeurs des hôpitaux la fonction d'administrer des structures en dehors de leurs murs. Elle est complétée par un arrêté en mars 1986 qui définit les structures, avec ou sans hébergements, dont un secteur peut disposer mais, en fait, dans les hôpitaux généraux, les moyens sont alors figés au niveau atteint avant les restrictions budgétaires du début des années 1980. Ce sont essentiellement les CATTP qui verront le jour à partir de cette année là.

      Deux nouvelles étapes nous attendent.

    • la loi de juin 1990 se substitue à notre chère loi de 1838 qui régissait depuis 150 ans les hospitalisations sous contrainte en psychiatrie. Si cette révision s'avérait certes justifiée, les effets pervers, liés à la nécessité des 2 certificats associée à la carence en lits psychiatriques dans les hôpitaux généraux, ne tarderont pas à se manifester sous forme d'une inflation massive des hospitalisations abusivement « d'urgence » avec un seul certificat comme dans la loi de 38 ! La saturation des lits d'hospitalisation va crée des situations ubuesques, par exemple l'hospitalisation, déportée d'heure en heure, d'un patient des secteurs d'Annecy jusqu'en seine-et-marne ! Ces situations totalement loufoques me faisaient, en 2003, me poser tout haut, au cours de ces journées, la question : existe-t-il encore des indications d'hospitalisation ??

    • La loi de 1991 portant réforme hospitalière. Elle va subrepticement mais radicalement modifier en profondeur le fonctionnement des équipes de psychiatrie. L'infirmière générale est « incluse » dans (pour ne pas dire captive de) l'équipe de direction de l'hôpital, ce qui dans les hôpitaux généraux va être lourd de conséquences : le fonctionnement des équipes de psychiatrie (recrutement, plannings , gestion des congés …) va se trouver insensiblement déporté sur l'hôpital général, échapper de plus en plus aux principaux intéressés et mettre les cadres de santé, sur le terrain, dans des situations pour le moins délicates. Evidemment la généralisation que je suis en train de faire est sans doute réductrice et le tableau que je brosse n'a sans doute pas été partout aussi calamiteux qu'à Annecy …

    • la loi de juin 2011 introduit le JLD et son contrôle sur toutes les hospitalisations sous contrainte avec les effets qui vous connaissez mieux que moi ;

    • le pôle en psychiatrie. J'ai quitté le navire en 2005, au milieu du « plan de modernisation des établissements de santé 2003-2007 » qui prévoyait : une relance de l'investissement pour les établissements de santé, une nouvelle gouvernance impliquant un regroupement des structures et une modernisation de la gestion interne de l'établissement, une nouvelle tarification (T2A), l'accréditation des établissements. A Annecy, au moment où j'ai pris ma retraite j'étais toujours chef de secteur mais les 3 services de psychiatrie et l'intersecteur de pédopsychiatrie se fédéraient en un pôle dont le « chef » avait été élu par ses pairs. Depuis sont intervenues la réforme de la gouvernance de 2007 qui instituait les pôles en psychiatrie dont le chef était nommé par le directeur de l'hôpital et préparait l'arrivée de la loi « HPST ».

    • La suite, c'est à vous de me la décrire ...

En guise de conclusion: où en sommes nous ?

Des avancées, sans doute : les secteurs de psychiatrie administrés par les hôpitaux généraux ne font plus figure d'exception même si leur nombre semble maintenant stable à environ 1/3 des secteurs de psychiatrie ; peut-être que, dans les hôpitaux généraux, leurs budgets sont, maintenant mieux protégés et qu'ils sont moins les « vaches-à-lait » ainsi que les qualifiait JP Descombey il y a quelques années ; leurs locaux, vieillissants malencontreusement, ont été soit totalement restructurés, soit carrément reconstruits comme à Annecy où ils ont rejoint le nouvel hôpital .

Mais que penser des durées d'hospitalisation qui semblent échapper à la clinique, de la vie institutionnelle qui semble de moins en moins un objet de pensée et de soins, des idéologies de soins soumises à « l'évidence base médecine », au lobby des laboratoires pharmaceutiques, aux multiples principes de précaution qui stérilisent toutes les initiatives …

Je ne voudrais pourtant pas céder à la nostalgie « du bon vieux temps » … Maintenant devenue psychiatre d'exercice privé, lorsque je veux faire hospitaliser un ou une de mes patients je m'adresse à une clinique privée des environs de Lyon qui pratique encore une psychiatrie institutionnelle, dont les collègues prennent le temps de parler avec leurs patients au cours d'hospitalisations qui durent le temps que la clinique justifie et qui peuvent se renouveler autant que de besoin … et quand je rencontre mes collègues et néanmoins copains du service public où j'ai accompli 37 ans de carrière entre l'internat et la retraite de chef de service, nous parlons peu travail sinon pour dire la désorganisation avancée des conditions de travail et de soins qu'est devenue la psychiatrie à Annecy.

Annecy, mai 2014

Dr Madeleine BERNARD

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Mise à jour le Mardi, 03 Juin 2014 08:20  

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